Joseph Oughourlian est un redoutable investisseur financier. Le fondateur du fonds Amber Capital basé à Londres a à son actif plusieurs faits d’armes au sein de sociétés du CAC 40, comme la Scor et le groupe Lagardère. Fils d’une infirmière anglaise et d’un neuropsychiatre, c’est un homme « très calme et très déterminé », comme le confie Colette Neuville, la présidente octogénaire de l’Association de défense des actionnaires minoritaires (ADAM) qui apprécie sa « vision à long terme ».
Depuis qu’il a investi dans le RC Lens puis pris sa présidence en 2018, le club n’a cessé de progresser. Après une montée en Ligue 1 en 2020, le club s’est hissé juste derrière le PSG en 2022-2023 et a terminé septième cette saison 2023-2024. L’année prochaine, ce sera une autre paire de manches. Le fiasco des droits télé de Ligue 1, attribués au duo DAZN-beIN pour les cinq prochaines saisons (2024-2029) en échange de 500 millions d’euros par an (comparé aux 726 millions de Canal+ et beIN entre 2016 et 2020), vient percuter de plein fouet le redressement du club nordique dans lequel il a déjà investi 80 millions d’euros de sa fortune personnelle.
À LIRE AUSSI Joseph Oughourlian, le financier qui a conquis le cœur du RC LensDimanche, lors du collège de Ligue 1, Joseph Oughourlian n’a pas hésité à pointer du doigt le « conflit d’intérêts » de Nasser al-Khelaïfi, à la fois président du PSG et de beIN Media Group, maison mère du diffuseur beIN France, a-t-on appris. Dans une publication sur le réseau LinkedIn, le patron du RC Lens s’inquiète en outre de « l’état financier du foot français ». « Cinq cents millions d’euros valorisés, c’est in fine environ 9 millions d’euros pour le RCL. Jamais les clubs de L1 n’ont touché aussi peu au titre des droits télé », regrette-t-il.
« On ouvre clairement la voie du piratage »
Joseph Oughourlian était parvenu à mettre un terme à cinq années de déficit lors de la saison 2021-2022 et même à boucler un budget positif 2023 de 3 millions d’euros, avec des dépenses de 115 millions d’euros, face à des recettes de 85 millions d’euros et 33 millions de produits de transferts de joueurs, révèlent les comptes officiels de l’équipe visés par la DNCG, le gendarme financier du football français.
Grâce à la deuxième place obtenue en Ligue 1, les recettes intégraient un montant de 26 millions d’euros perçus au titre de droits audiovisuels (voir tableau ci-dessous). Le retour à la réalité est rude. Le montant prévu de 9 millions d’euros de droits audiovisuels représente la moitié de ce qu’aurait touché le RC Lens dans le système précédent de commercialisation des droits télévisés.
DOSSIER Covid, arrêt de la Ligue 1… notre enquête sur la crise du foot en 2020Joseph Oughourlian poursuit sa critique en se plaçant du côté des aficionados de football. « Souscrire à l’offre L1 a rarement représenté pour les fans un tel effort financier. À titre de comparaison, payer l’offre télé cette saison sera plus onéreux que l’abonnement le plus cher à Bollaert [545 euros, le prix devant avoisiner les 35 euros pour DAZN et un abonnement beIN pour l’affiche du week-end à 15 euros par mois, soit 600 euros, NDLR] », détaille-t-il.
El le dirigeant de club d’ajouter : « Après le tandem Amazon [dont le Pass Ligue 1 coûtait 14,99 euros en plus de Prime]-Canal+ [autour de 20 euros par mois], comment peut-on penser qu’une inflation du coût d’abonnement avec un accès à des catalogues moins généralistes pourra soutenir une croissance des téléspectateurs du football français ? Comment songer un instant qu’aller à contrepied de la tarification attractive des offres plébiscitées du marché [moins de 15 euros par mois pour Netflix par exemple] peut être une voie durable pour le sport le plus populaire qui soit ? »
Pour le président du RC, qui aurait préféré une chaîne de la Ligue adossée à Warner Bros. Discovery, « cette tarification ouvre clairement la voie du piratage ». Or, les Français se tournent déjà de plus en plus vers les offres illégales de télévision diffusées par Internet (IPTV). Elles permettent d’accéder à l’ensemble du championnat de football moyennant une somme modique.
