le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire condamnés à s’entendre ?

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C‘est un classique de chaque projet de loi de finances annuelle : les amendements pour changer les règles de l’impôt sur le capital. Depuis 2022, les tentatives de la gauche et du Rassemblement national (RN) de revenir sur les règles de l’actuel impôt sur la fortune immobilière (IFI) – qui a succédé à l’ancien impôt de solidarité sur la fortune (ISF) lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron – se heurtaient systématiquement au déclenchement d’un 49.3 par le camp présidentiel.

La perte par le bloc présidentiel de sa majorité relative, et l’absence de nouvelle majorité claire, rend plus incertaines les discussions qui ne manqueront pas d’arriver à l’automne. Le parti de Marine Le Pen comme le Nouveau Front populaire (NFP) défendent chacun leur version d’un nouvel ISF. Le prochain gouvernement, même s’il était issu du camp présidentiel, ne pourra pas s’opposer à leurs amendements par un 49.3 sans s’exposer, avec grand risque, à une motion de censure victorieuse.

« Si le NFP veut faire passer son amendement sur un nouvel ISF, ils seront obligés de le faire avec nos voix, souligne Renaud Labaye, secrétaire général du groupe RN à l’Assemblée nationale. Nous verrons entre nous ce que nous voterons et ce que nous ne voterons pas dans les amendements proposés. » Inversement, le RN ne peut, seul, espérer faire voter son amendement. D’où le besoin de trouver des compromis entre les deux projets si les deux blocs désirent éviter le statu quo que souhaitent le camp présidentiel et les LR.

Les deux projets n’ont pas la même philosophie. Sont-ils incompatibles pour autant ?

Le projet du RN : « lutter contre la spéculation financière » et dégager des recettes pour financer sa politique nataliste

Comme son nom l’indique, l’actuel impôt sur la fortune immobilière est un impôt qui pèse uniquement sur le patrimoine immobilier. Au contraire, l’ancien ISF pesait également sur le patrimoine mobilier, c’est-à-dire les actifs financiers – notamment les actions.

Côté RN, on défend le projet d’un impôt sur la fortune financière (IFF). « C’est l’ancien ISF moins l’IFI, résume Renaud Labaye. Autrement dit, on reprend l’assiette de l’ISF dans laquelle on fait entrer les œuvres d’art détenues depuis moins de dix ans, et on en sort la résidence unique. »

Que signifie le concept de « résidence unique » ? Dans cet IFF, il serait possible d’exonérer une résidence dont on est propriétaire, mais qui n’est pas forcément sa résidence principale. Par exemple, si vous êtes locataire d’un appartement à Paris que vous occupez le plus gros de l’année – c’est donc votre résidence principale –, mais que vous avez une maison de famille à l’île de Ré, vous pourriez déduire cette résidence secondaire de votre patrimoine taxable. « Cette exonération ne peut concerner qu’une seule résidence », précise Renaud Labaye.

Avec cette notion de « résidence unique », le RN explique qu’il souhaite protéger « l’enracinement » : « Avec une résidence en France, lorsque vous l’entretenez et que vous vous y rendez, vous faites vivre les artisans et les commerçants présents sur ce territoire. » La philosophie de cet IFF étant, au contraire, de s’attaquer davantage à « la spéculation financière » qui fait sortir l’argent de l’économie réelle française.

Comme dans l’ancien ISF et l’actuel IFI, l’exonération sur les actions détenues dans des PME est conservée. Une manière d’encourager à l’investissement vers ces entreprises qui ont déjà du mal à trouver des financements.

« Dans un contexte budgétaire serré, nous voulons retrouver des marges de manœuvre financières. La politique familiale [politique nataliste, NDLR] que nous souhaitons appliquer coûterait de l’argent à l’État, donc on demande aux plus fortunées de faire un effort. » Le parti d’extrême droite chiffre les recettes à 3 milliards d’euros par an, ce qui correspond à la différence entre les montants dégagés par l’ISF (5 milliards) et l’IFI (2 milliards).

Le projet du NFP : taxer davantage les plus riches pour plus de justice sociale et écologique

Côté NFP, le programme publié à l’occasion des législatives parle de « rétablir un ISF renforcé avec un volet climatique » dans l’optique d’« une politique fiscale juste ». Les contours exacts de cette mesure n’ont pas été donnés publiquement.

Selon les déclarations au Figaro d’Éric Coquerel – le député Insoumis qui a été réélu président de la commission des finances de l’Assemblée nationale – « le nouvel ISF devrait, a priori, être très proche » d’un amendement rejeté (n°I-CF1311) au projet de loi de finances 2024 proposé par la Nupes en octobre 2023. Lequel visait à instaurer « un impôt sur la fortune destiné à favoriser les comportements en faveur de l’écologie ». « Si votre fortune est établie sur un bilan carbone et climatique excellent, vous serez avantagé », résume Éric Coquerel auprès du quotidien.

Par rapport à l’ancien ISF, les taux marginaux seraient également revus à la hausse sur les tranches les plus élevées du patrimoine taxable, toujours selon Le Figaro. Ainsi, à partir de 10 millions et 1 euros, chaque euro supplémentaire est taxé à hauteur de 3 %, là où ce taux était de 1,5 % avec l’ancien ISF.

En revanche, l’assiette fiscale serait à peu près la même que celle de l’ancien ISF, les biens immobiliers professionnels n’étant pas taxés. Avec ces dispositions, le NFP compte tirer 15 milliards de recettes par an. Trois plus, donc, que l’ancien ISF.


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