Le premier conseil des ministres du nouveau gouvernement Barnier aura lieu lundi 23 septembre, à 15 heures. Avant de plancher sur les dossiers les plus urgents, une question essentielle taraudera, malgré eux, tous les ministres qui prendront place autour de la table : pour combien de temps sommes-nous là ?
Une semaine, un mois, six mois, un an ? Comme si les 39 personnes choisies ce week-end allaient apprendre à vivre, en retenant leur souffle en permanence, en hommes et femmes pressés, toujours à la merci d’un arrêt brutal de leur nouvelle vie. Le Point a recensé cinq moments clés à venir, porteurs d’événements qui pourraient fragiliser illico le gouvernement de Michel Barnier, voire mettre un terme à son existence.
9 octobre : la présentation du budget
La règle veut que le projet de loi de finances de l’année suivante soit transmis au Parlement le premier mardi du mois d’octobre. Cette année, la date butoir de la présentation du budget tombe le 1er octobre… Sauf que la dissolution et le temps nécessaire à la formation d’un nouveau gouvernement ont rendu le respect de ce délai légal impossible à tenir, selon le Premier ministre, Michel Barnier.
À LIRE AUSSI Gouvernement Barnier : à Bercy, une passation qui n’en est pas uneCelui-ci n’envisage donc de transmettre le projet de loi de finances à l’Assemblée nationale que le 9 octobre. Du jamais-vu… On comprend néanmoins que Michel Barnier veuille gagner un peu de temps, puisque ce budget pourrait être la bonne occasion pour les oppositions, notamment le RN et ses 126 députés, qui a mis le nouveau Premier ministre sous surveillance, de faire trébucher le gouvernement.
25 octobre : Moody’s rend son verdict
Ce jour-là, en plein examen du projet de loi de finances, l’agence de notation Moody’s mettra à jour son évaluation de la solvabilité de la dette publique française. Au printemps dernier, l’agence avait maintenu sa notation et ses perspectives inchangées, alors que son rival Standard and Poor’s (S & P) avait bel et bien dégradé la note de la France, mais cela avait eu un impact limité sur les marchés. Mais la France du printemps dernier n’a plus grand-chose à voir avec celle de cet automne, les agences de notation détestant au plus haut point l’instabilité politique…
Moody’s, qui attribue actuellement à la France une note Aa2 avec une perspective stable, envisagerait très sérieusement une révision de cette note à Aa3. Dans un avis rendu en juin dernier, elle a souligné que « l’instabilité politique potentielle constitue un risque de crédit compte tenu de la situation budgétaire difficile dont héritera le prochain gouvernement ». Il s’agirait alors de la huitième dégradation de la note financière de la France depuis 2012. Avec pour conséquences, une perte probable de la confiance des investisseurs, des taux d’intérêt plus élevé pour la France et une dette toujours plus lourde à porter pour notre pays…
Quelque part en octobre
Placée en procédure de déficit excessif par la Commission européenne en juillet dernier, la France devait rendre vendredi dernier, le 20 septembre, un plan budgétaire capable de convaincre Bruxelles de sa volonté de revenir rapidement sous les 3 % de déficit (contre 5,5 % en 2023). Depuis, on a appris que le déficit 2024 serait encore plus mauvais que le précédent, tournant autour de 6 % !
La France, fidèle à sa réputation de mauvais élève, a demandé un délai pour rendre sa copie à la Commission… Il n’est donc plus du tout question du 20 septembre mais on ne sait toujours pas officiellement à quelle date la France remettra ce fameux plan. La Commission procédera ensuite à son évaluation, puis formulera ses recommandations auxquelles la France aura six mois pour se conformer. Si en juin 2025, la France n’a pris aucune mesure correctrice, alors la Commission envisagerait des sanctions telles que la réduction des versements des fonds européens.
31 octobre : la proposition d’abrogation de la réforme des retraites par le RN
La semaine dernière, la proposition de loi visant à « restaurer un système de retraite plus juste en annulant les dernières réformes », présentée par les députés du Rassemblement national, a été jugée recevable au titre de l’article 40 de la Constitution, par le bureau de l’Assemblée nationale. Le texte, qui prévoit de revenir sur le report de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans, pourra donc être examiné par les députés, à la date prévue, le 31 octobre. La proposition de loi prévoit de rétablir le paramètre de l’âge légal de départ à la retraite en rétablissant l’ouverture des droits à 62 ans à compter de la génération 1955, au lieu de 64 ans à compter de la génération 1968.
À LIRE AUSSI Le piège tendu par Marine Le Pen à Michel BarnierLe texte vise à revenir sur le paramètre de la durée de cotisation pour l’obtention du taux plein, en fixant la durée requise à 42 annuités à compter de la génération 1961, en lieu et place des 43 annuités retenues à compter de la génération 1965 dans le système actuel. Sur cette date, forcément redoutée par le nouveau Premier ministre Michel Barnier, plane une incertitude majeure : le NFP, qui a fait également de l’abrogation de la réforme des retraites une pierre angulaire de son programme, votera-t-il ou non, ce texte proposé par le RN ?
31 décembre : en cas de non-budget, l’entrée dans la « zone grise »
En temps normal, l’examen du budget se déroule ainsi : du mois d’octobre à la mi-décembre, le projet de loi de finances est débattu au Parlement, voté, puis éventuellement soumis au Conseil constitutionnel. Tout le processus a pris du retard, c’est certain, mais il peut être mené à terme sans encombre. Cependant il y a un cas de figure dans lequel la France se retrouverait face à l’inconnu…
À LIRE AUSSI Bercy, le pire poste du prochain gouvernement ? Si au 31 décembre de cette année, la France se retrouvait sans budget car celui-ci aurait été : 1) rejeté par le Parlement pendant la période imposée d’examen de 70 jours ou 2) voté mais rejeté par le Conseil constitutionnel, notre pays entrerait dans une sorte de « zone grise » inédite, car jamais expérimentée… Pour ne rien arranger, les constitutionnalistes ne sont pas tous d’accord entre eux. Certains estiment qu’il serait possible de faire voter en urgence un projet qui permettrait temporairement de lever l’impôt et de payer les fonctionnaires, d’autres répondent que c’est impossible.