Deux compagnies aériennes opèrent en Nouvelle-Calédonie. Une de trop ? Pas du tout, car elles se complètent et desservent chacune un réseau spécifique. À Air Calédonie (TY), les dessertes domestiques (île des Pins, Lifou, Koné, Ouvéa, îles Loyauté, etc.). Ses quatre biturbopropulseurs ATR 72-600 de dernière génération, offrant 78 sièges, sont adaptés à la piste courte (1 253 mètres) de l’aéroport de Magenta, situé sur une baie près du centre-ville à Nouméa. En 2019, Air Calédonie a transporté 464 102 passagers.
Aircalin (SB), l’autre transporteur, opère à La Tontouta, l’aéroport à 50 km au nord de Nouméa, où une piste de 3 250 mètres permet d’accueillir des avions gros-porteurs. Avec deux moyen-courriers Airbus A320neo et deux long-courriers A330neo, la compagnie assure les dessertes internationales vers Sydney, Brisbane, Melbourne, Papeete, Port-Vila, Singapour, Auckland, Nandi, Wallis, Paris via Tokyo grâce à un partenariat avec Air France. En effet, les avions d’Aircalin ne volent pas vers l’Europe. La compagnie dessert ainsi directement une dizaine de destinations en Asie et en Océanie. Elle a également développé des accords commerciaux pour plus de 100 destinations avec plus de 30 compagnies.
Chute du trafic
Les émeutes des dernières semaines, avec des barrages sur la route d’accès depuis Nouméa, ont nécessité la fermeture complète de l’aéroport de La Tontouta par le haut-commissariat de la République du 13 mai au 5 juin, puis une reprise partielle et sous contraintes de son programme de vols. Aircalin dresse un premier bilan des impacts.
Du 13 mai au 7 juillet, parmi les 477 vols initialement programmés, 317 ont été annulés, soit 66 % du programme et 29 005 passagers impactés ; 160 ont été maintenus, soit 34 % du programme et 19 272 passagers transportés. À cette baisse brutale d’activité s’ajoutent des perspectives pessimistes de reprise des voyages en général, et du tourisme en particulier. Une baisse du trafic global d’au moins 50 % est attendue pour les mois à venir.À LIRE AUSSI JO 2024 : comment Air France s’est préparée pour un défi inéditFace à cette situation, le conseil d’administration d’Aircalin a pris la décision de déclencher un plan de mesures à court terme. Il s’appuie sur trois axes : le redimensionnement du réseau, la maîtrise de la trésorerie et le maintien des effectifs grâce à la mise en place du chômage partiel pour une partie des salariés.
Didier Tappero, directeur général d’Aircalin, a annoncé une réduction de 91 % du nombre de passagers transportés, et de 30 % du fret. Cela représente une perte de 80 % de chiffre d’affaires. En utilisant comme référence le bilan de 2019, la perte de la compagnie Aircalin est estimée à 570 millions de francs CFP par mois (environ 4,8 millions d’euros) depuis le début de la crise. Selon son directeur général, la compagnie internationale calédonienne pourrait « être en cessation d’activité d’ici à la fin de l’année » alors que les vols commerciaux sont toujours suspendus vers et depuis l’archipel.
De son côté, Samuel Hnepeune, directeur général d’Air Calédonie, a indiqué une réduction de 40 % du nombre de passagers, engendrant une perte envisagée, sur l’ensemble de l’exercice 2020, d’environ 1 milliard de francs CFP (environ 8,4 millions d’euros). Malgré une reprise des activités le 4 mai, la compagnie a réduit son plan de vol, passant de 93 à 69 vols réguliers hebdomadaires. Pour sortir de la crise, la compagnie domestique a dû mettre à contribution ses passagers en augmentant le prix des vols aller et retour de 1 000 francs CFP (un peu plus de 8 euros). En outre, et comme la compagnie internationale, AirCal prévoit un plan de réduction de la masse salariale de 20 %.
Aide du gouvernement
Le gouvernement a estimé qu’il était nécessaire de renforcer les liens entre les deux compagnies dans le but d’en réduire les coûts de fonctionnement, même si l’idée d’une fusion a été écartée, rapporte Outremers 360. Le vice-président du gouvernement en charge des transports, Gilbert Tyuienon, a rappelé le soutien de la Nouvelle-Calédonie, à travers le dispositif de chômage partiel, qui représente « 40 millions de francs par mois » (335 200 euros).
À LIRE AUSSI Les défis du prochain patron de BoeingS’ajoutent à cela les vols de rapatriement et les vols cargo, financés à hauteur de 1,2 milliard de francs CFP (10 millions d’euros) par le gouvernement, qui ont permis « le maintien d’une activité aéronautique importante pour Aircalin et la Nouvelle-Calédonie ». Plus de 40 millions d’euros ont également été mis sur la table dans le cadre d’un PGE concédé à Aircalin.
Selon la direction de la compagnie internationale, AirCalin devrait retrouver son niveau de trafic 2019 à l’horizon 2025. Une hypothèse partagée par la compagnie domestique. « Alors que la compagnie a toujours été déficitaire depuis sa création, Aircalin a atteint l’équilibre en 2014 et a renoué avec les bénéfices depuis 2015, ce qui lui a permis d’amortir dans un premier temps le choc du Covid-19 », a indiqué AirCalin. En 2019, elle enregistrait un chiffre d’affaires de 19 milliards de francs CFP (près de 160 millions d’euros) et, selon sa direction, il lui faudra quatre ans pour revenir à cette somme.
Les compagnies des îles
Outremer, les départements et territoires sont très attachés aux compagnies aériennes qui les desservent et sont souvent actionnaires. C’est le cas à La Réunion avec Air Austral, aux Antilles avec Air Caraïbes (même si son actionnariat est vendéen), en Polynésie avec Air Tahiti Nui. Sans renier son partenariat fort avec Air France, Air Corsica n’hésite pas à développer des liaisons vers l’Italie, l’Autriche, la Hongrie qui ne sont pas dans le cœur de cible de la compagnie nationale.
Par ailleurs, deux compagnies locales sont fréquentes comme c’est le cas à Papeete avec Air Tahiti qui vole en ATR avec les îles de Polynésie tandis qu’Air Tahiti Nui dessert les destinations internationales. On observe la même dualité aux Antilles avec Air Caraïbes International (long courrier) et Air Caraïbes Antilles (régional).