L’essayiste David Baverez veut en finir avec les « Trente Glandeuses »

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Dans la famille Baverez, les lecteurs assidus du Point connaissent Nicolas, éditorialiste libéral, disciple de Tocqueville et d’Aron, qui officie chaque semaine dans nos colonnes. Mais il existe un autre Baverez : son frère David. Investisseur installé à Hongkong, il est lui aussi l’auteur d’essais stimulants.

Le dernier en date, Bienvenue en économie de guerre ! (Novice), est un vade-mecum pour qui veut naviguer dans les eaux troubles du monde neuf né de la crise du Covid. Un monde où la guerre est de retour en Europe. Et dans lequel le « doux commerce » cher à Montesquieu devient de plus en plus dur.

« L’année 2022 a mis fin à un cycle de trente ans, ouvert par la chute du mur de Berlin, avec deux événements majeurs : l’invasion de l’Ukraine et le XXe congrès du PCC, qui a fait basculer la Chine dans un régime que j’appelle néo-lénino-marxiste », brosse-t-il d’emblée.

« État riche, peuple pauvre »

Ce qu’il préconise ? S’adapter, et rapidement, à « la guerre hybride, mêlant business et géopolitique ». Et donc comprendre que les règles du jeu ont changé. « En économie de paix, le critère de réussite est le produit national brut (PNB), c’est-à-dire la production économique totale d’un pays, développe-t-il. En économie de guerre, on s’en fiche ! Ce qui compte, c’est le ratio de dépendance d’un pays vis-à-vis des autres. »

Par conséquent, chacun doit s’assurer qu’il a chez soi de quoi tenir en cas de choc. « La Russie, dont le PNB représente moins de 2 % de la richesse mondiale, possède cinq ingrédients déterminants pour faire face à un conflit : le pétrole, le gaz, le nucléaire, l’armement et le blé. Autant d’éléments que nos dirigeants occidentaux ont négligés ces dernières années. »

À LIRE AUSSI « En Europe, nous sommes des herbivores entourés de carnivores » Sans surprise, David Baverez relève que la Chine s’est radicalisée : « Les dirigeants chinois sous le leadership de Xi Jinping font revenir le pacte social ancestral d’“État riche, peuple pauvre” dans une dangereuse sauce néo-lénino-marxiste. »

Quant aux États-Unis, ils n’ont, à le lire, pas fini de nous supplanter : « L’Oncle Sam renforce sa suprématie autour de quatre piliers : l’énergie, grâce au gaz de schiste ; la défense, dont il finance en grande partie la supériorité grâce aux exportations à ses alliés ; les logiciels, sur le point de répliquer, grâce à l’intelligence artificielle, l’écart de gains de productivité des années 1980, lorsque l’Amérique s’était détachée du peloton ; et, enfin, l’agroalimentaire, grâce à une approche intensive de sa production. »

Favoriser les actifs

Et notre continent, alors ? « Il est grand temps qu’il se réveille ! De 1980 à aujourd’hui, la part mondiale du PNB américain est restée stable, autour de 26 %. Mais celle de la Chine a crû de 2,5 à 18 %, entièrement aux dépens de l’Europe et du Japon, qui ont respectivement décliné de 29 à 18 %, et de 10 à 4 % », s’alarme-t-il.

Dans un écosystème plus violent, où il s’agit de gagner en autonomie, le chantier prioritaire à ses yeux est celui du redressement de la balance commerciale, soit le solde entre ce que nous exportons et ce que nous importons. Pour rappel, le commerce extérieur de la France a accusé un déficit de 99,6 milliards d’euros l’an dernier. « Plus un pays est excédentaire, plus il maîtrise sa destinée. Plus il est déficitaire, plus il est fragile. »

Son combat : qu’on en finisse avec « Trente Glandeuses » ayant suivi les Trente Glorieuses. « Pendant trois décennies, nous avons réduit le temps de travail et sous-traité des pans entiers de notre production à la Chine. Connaissez-vous la blague qui circule dans les milieux d’affaires à Hongkong ou Shanghai ? “Quand un Français bosse 35 heures par semaine, un Chinois dort 35 heures par semaine !” Le contrat social qui favorise les retraités doit être inversé pour favoriser les actifs. Et il faut que l’Europe devienne un refuge pour tous les jeunes diplômés brillants qui veulent fuir le Parti communiste chinois et le wokisme ambiant des entreprises américaines. » Vaste programme.

« Bienvenue en économie de guerre ! », de David Baverez, Novice, mai 2024, 224 pages, 19,90 euros.


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