Jérôme Kerviel est-il ce héros qui a déstabilisé la finance mondiale en la prenant à son propre jeu avant de devenir un bouc émissaire ou ce trader-voyou qui a enfreint les règles pour le simple plaisir de jouer avec les marchés financiers comme on joue au casino ? La nouvelle série documentaire de Max, Kerviel : un trader, 50 milliards, laisse la question ouverte. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de cette création menée tambour battant autour du plus grand scandale financier de l’Hexagone. Une affaire qui a laissé une ardoise de 4,9 milliards d’euros dans les comptes de la Société générale.À LIRE AUSSI Kerviel, un nouveau Dreyfus ?
24 janvier 2008, Daniel Bouton, alors PDG de la banque française, dénonce face aux journalistes une gigantesque escroquerie qui a fait perdre près de 5 milliards d’euros à l’établissement dont la tour s’élève dans le quartier de La Défense. Derrière cette fraude, se cacherait une seule personne. Un courtier ou trader de la Société générale au profil discret immédiatement licencié : Jérôme Kerviel. En ce début de crise des subprimes américains, celui-ci aurait « joué » des milliards et des milliards de la banque jusqu’à tenir des positions ultra-risquées pour 50 milliards d’euros. De quoi faire tomber l’une des principales banques françaises et aussi de déstabiliser le système financier mondial. Une chasse à l’homme débute : où se trouve ce mystérieux Jérôme Kerviel ? Comment a-t-il pu déjouer tous les contrôles de la Société générale ? N’est-ce pas plutôt la banque la principale responsable qui a laissé faire ce trader qui lui faisait gagner jusqu’alors des millions d’euros ? La France se passionne pour ce combat de David contre Goliath. La politique s’en empare. La gauche française tient notamment son nouveau héros antisystème.
Un thriller haletant
Réalisé et produit par le duo Fred Garson et Jean-Louis Perez, chez Grand Angle Production, le documentaire de 4 épisodes de 45 minutes tient en haleine le spectateur comme un thriller, avec sa musique grave et rythmée et ses larges plans de drones. Réalisateur de clips de Bob Sinclar et de séries de fiction comme Insoupçonnable, histoire d’un serial killer incarné par Melvil Poupaud, Fred Garson utilise toute la palette de recours fictionnels pour une histoire bien réelle, caméra qui plonge dans une cage d’ascenseur, cigares en gros plain qui se consument, écrans de trading qui s’affolent, images d’un ciel étoilé. Il manie l’art du montage avec dextérité, superposant des plans et osant pendant les entretiens qu’il mène des images d’ambiance. Dès lors, il nous embarque avec ce jeune courtier venu de Bretagne pour tenter de réussir à Paris parmi les financiers issus d’écoles de commerce. Il y a dans ce « loup de La Défense » un peu du DiCaprio de Scorsese.
Les deux premiers épisodes reviennent sur la genèse de l’affaire. Début janvier 2008, Jérôme Kerviel avoue à ses supérieurs avoir pris un risque de 50 milliards d’euros supérieur à ses fonds propres. Le courtier Maxime Kahn a trois jours pour déboucler ses positions en essayant de limiter la casse et une contagion au système financier. De Pont-l’Abbé (Finistère) à La Défense (Hauts-de-Seine), Kerviel : un trader, 50 milliards nous embarque dans un mystère passionnant et cette question lancinante : comment une banque a-t-elle pu autant faillir dans ses contrôles ?
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La force de la série est de réunir, quinze ans après, presque tous les protagonistes de l’affaire. Kerviel himself, barbe et tignasse grisonnantes, qui défend sa position de victime. Un homme toujours perdu qui peine à ouvrir un nouveau chapitre de sa vie. L’ex-patron de la Société générale Daniel Bouton, 74 ans, meurtri à jamais par le scandale, mais aussi les autres acteurs de cette saga policière et judiciaire : François Hollande, les amis et avocats du courtier, Jean-Claude Marin, ancien procureur de la République de Paris, Luc François, ex-boss des traders de la Société générale en 2008, Maxime Kahn, ancien responsable mondial du trading… Porté par ce casting de luxe, Kerviel : un trader, 50 milliards se dévore comme un thriller haletant.
Kerviel, un trader, 50 milliards, série documentaire de 4 x 45 minutes réalisée par Fred Garson et produite par Jean-Louis Perez, chez Grand Angle Production.