C’est une habituée des tables d’été. Principalement cultivée dans l’ouest de la France, la gariguette ravit les palais des gourmands depuis près de cinquante ans. Pourtant, cette variété de fraise est de plus en plus concurrencée. Et pourrait voir, à terme, sa production délocalisée à l’étranger.
Pour comprendre comment on en est arrivé là, un retour en arrière s’impose. En 1976, l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) – devenu Inrae en 2019 – crée cette variété de fraise. « Son goût, un subtil équilibre entre le sucre et la pointe acidulée, illustre la stratégie de la filière française qui mise sur la qualité gustative, pour faire la différence avec nos concurrents », explique aux Échos Émeline Vanespen, la directrice de l’Association d’organisations de producteurs nationale (AOPN) de fraises et de framboises. Le produit rencontre un succès mais à la fin des années 1990, la gariguette tombe dans le domaine public.
Le Centre technique interprofessionnel des fruits et des légumes (CTIFL) prend alors le relais de l’Inra pour s’assurer que la variété ne perde pas ses propriétés. Un suivi qui a pris fin en 2021, signifiant par la même occasion le retrait de la gariguette du catalogue français qui liste les fruits et les légumes. Depuis, seule l’inscription de la variété au catalogue européen permet encore sa commercialisation.
Problème réglé d’ici à la fin de l’année ?
Pour remédier à cette situation, l’AOPN tente d’assumer à son tour le rôle de gendarme de la gariguette pour être le « mainteneur officiel de la variété », selon Émeline Vanespen. Les techniciens de l’AOPN ont sélectionné trois souches considérées comme étant les meilleures pour assurer l’avenir du fruit. Une demande a été déposée en avril 2024 auprès du Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences (Geves), une structure regroupant l’Inrae, le ministère de l’Agriculture, et les membres de l’interprofession des semences et plants. La décision est attendue avant la fin de l’année.
Dans ce contexte, la gariguette parvient encore à séduire les consommateurs. La variété constitue un cinquième de la production de fraises réalisée en France cette année (estimée entre 58 000 et 77 000 tonnes). Une performance qui s’explique par la poursuite de la production de la gariguette jusqu’en juillet – un mois plus tard que d’habitude – dans le Sud-Ouest et en Bretagne pour compenser le mauvais temps. Attention toutefois : la gariguette commence déjà à être cultivée au Portugal, d’où elle est ensuite importée… en France.
Nos voisins ibériques concurrencent fortement les producteurs français, puisque la fraise espagnole, moins goûteuse mais aussi moins chère, est la variété de fraise la plus vendue en Hexagone, juste devant la gariguette. Au total, une fraise sur deux consommées en France est importée.