Après Wall Street, c’est au tour des Bourses asiatiques et européennes de connaître une baisse brutale de leurs indices. À l’ouverture, ce lundi 5 août, le CAC 40 plongeait de 2,64 %. Vendredi, il clôturait à 7 251 points, contre 7 370 la veille, alors qu’il n’était plus redescendu sous les 7 300 points depuis novembre 2023. Ailleurs en Europe, le DAX allemand perdait 2,38 %, et le FTSE 100 britannique 2,10 %.
Au Japon, la banque centrale a relevé son principal taux directeur à 0,5 %, son plus haut depuis 2008. Pour le Nikkei 225, c’est le coup de grâce. Le principal indicateur boursier de la Bourse de Tokyo avait déjà lâché quelques points la semaine dernière. Ce lundi 5 août, il a chuté de 12,4 %, soit la plus forte baisse en points de son histoire. Les Bourses de Séoul et de Taïwan ont également reculé de plus de 8 %.
En Asie comme en Europe, il s’agit des répliques de la secousse partie des États-Unis. À New York, le Nasdaq –qui se concentre sur les entreprises technologiques –a perdu 2,43 % vendredi et 3,35 % jeudi, tandis que le S & P 500 –autre indicateur phare de Wall Street –a reculé de près de 5 % au cours des cinq dernières séances. La chute continue ce lundi outre-Atlantique, avec le Dow Jones en baisse de 2,2 % à la mi-journée. La nervosité touche également le marché des cryptos : le Bitcoin a perdu près de 20 % en une semaine.
La règle de Sahm
Les investisseurs estiment que la Fed réagira trop tard pour soutenir l’économie américaine. En effet, la banque centrale américaine a annoncé, mercredi, attendre septembre pour décider ou non d’une baisse de ses taux. Il y a pourtant urgence, les fondamentaux n’étant pas au beau fixe. Vendredi matin, les investisseurs découvraient, dans un rapport du gouvernement, que seuls 114 000 emplois avaient été créés en juillet, alors que le marché en attendait environ 60 000 de plus. En outre, le taux de chômage est passé de 4,1 % en juin à 4,3 % en juillet, son niveau le plus élevé depuis près de trois ans, a rapporté le ministère du Travail.
Or, la règle de Sahm est formelle : l’économie américaine entre en récession si la moyenne sur trois mois du taux de chômage atteint un niveau situé un demi-point plus élevé que son niveau le plus bas des 12 derniers mois. Cette règle s’est vérifiée pour chaque récession américaine depuis 1970. L’inventrice de cet indice, l’ex-économiste de la Fed Claudia Sahm, a beau avoir déclaré publiquement qu’elle pense ne pas voir la règle se vérifier cette fois-ci, le mal est fait sur les marchés.
« Les entreprises américaines du secteur de la tech voyaient, ces derniers mois, leurs profits croître de plus en plus vite, explique Charles de Boissezon, responsable mondial de la stratégie actions chez Société générale CIB. Cette accélération a mécaniquement pris fin et, avec elle, les performances boursières se sont tassées. »
« En Europe, la dernière saison des résultats montre un maintien des marges, mais une détérioration des perspectives de chiffres d’affaires, poursuit l’analyste financier. Les attentes de profit sur les cycliques étaient depuis des mois trop élevées de notre point de vue. » Les actions cycliques sont des actions dont le prix évolue fortement en fonction de l’évolution de l’économie. Il s’agit généralement d’entreprises qui fournissent des biens et des services non essentiels.
Les investisseurs européens ont préféré jouer la prudence en se déportant vers un petit nombre d’actions considérées comme plus sûres. D’autres facteurs interviennent à la marge : la prochaine élection présidentielle américaine, à l’issue incertaine, et les récentes élections en Europe.
« Tout le monde savait depuis longtemps que le yen était très largement sous-évalué »
Le Japon a, lui aussi, été touché par la secousse venue des États-Unis. Mais pour des raisons différentes. « Tout le monde savait depuis longtemps que le yen était très largement sous-évalué. Les gens en profitaient, utilisant très largement cette devise pour financer leurs achats d’autres actifs financiers : une stratégie dite de portage, populaire en particulier dans les fonds spéculatifs », poursuit Charles de Boissezon.
Cette situation devenait de moins en moins tenable avec la volonté de la banque centrale japonaise de remonter son taux d’intérêt pour la première fois depuis dix-sept ans, et mettant fin à huit ans de taux directeurs négatifs. La situation a volé en éclats quand le gouvernement japonais a reconnu, la semaine dernière, être intervenu sur le marché des changes à hauteur de 37 milliards de dollars, en juillet, pour soutenir le yen. La monnaie japonaise était tombée au plus bas face au dollar depuis 38 ans.