Sanofi s’allie avec Orano pour un médicament de rupture

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Les permis de construire ont déjà été déposés pour la construction de deux usines high-tech, l’une dans le Limousin, l’autre à Valenciennes (Nord). Dans quelques années, Orano Med, la filiale biomédicale du géant du cycle du combustible nucléaire Orano, espère y produire à grande échelle l’essentiel du « principe actif » d’AlphaMedix™, un traitement de rupture contre le cancer particulièrement prometteur, sur le point de lancer sa dernière phase de tests (phase III). Avec le soutien de Sanofi.

En pleine polémique sur la session de sa marque Doliprane à un fonds américain, le géant pharmaceutique annonce investir en France 300 millions d’euros, en acquérant « entre 15 et 16 % » du capital d’Orano Med, la filiale d’Orano spécialisée en médecine nucléaire.

Ces investissements ne sont pas délocalisables.Nicolas Maes, directeur général d’Orano

« La prise de participation de Sanofi dans notre activité biotech va nous permettre ces investissements, qui ne sont pas délocalisables : l’essentiel de notre savoir-faire, extrêmement complexe, est en France », confie au Point le directeur général d’Orano, Nicolas Maes.

Innovation « de rupture »

En cédant sa marque Doliprane, assise sur la vente d’une molécule (le paracétamol) tombée dans le domaine public depuis des décennies, Sanofi poursuit sa stratégie visant à dégager des marges financières suffisantes pour doper ses efforts de recherche de nouveaux médicaments innovants, son produit phare (et le plus rentable), le Dupixent, devant perdre ses brevets en 2031.

À ce titre, le traitement développé par Orano Med, allié à la biotech américaine RadioMedix, porte toutes les promesses : si les derniers essais sont concluants, AlphaMedix™ pourrait devenir la première alphathérapie ciblée contre le cancer. Une rupture, dont Orano maîtrise en outre l’intégralité de la chaîne d’approvisionnement.

Le principe de la radiothérapie ciblée est d’utiliser la capacité des rayonnements radioactifs à détruire des cellules cancéreuses, tout en limitant les dommages causés en même temps aux cellules saines, ce qui se produit dans le cadre d’une chimiothérapie.

Le médicament développé par Orano Med est composé de deux éléments : un atome radioactif d’un côté (qui va détruire la cellule), et de l’autre un vecteur biologique capable de cibler spécifiquement les cellules tumorales. Or, les radionucléides, Orano les connaît. Tous.

À la pointe de la recherche en médecine nucléaire

« L’idée a germé dans les années 2004-2005 : Orano connaît les différents radionucléides, leurs radioactivités, et est capable d’extraire à peu près n’importe quel isotope d’une matière de départ », explique Nicolas Maes.

Dans les années suivantes, alors que l’énergie nucléaire est contestée en Europe, le groupe anticipe sa diversification en investissant dans la recherche médicale. Ses travaux se concentrent sur le plomb-212, un isotope radioactif rare dont les rayonnements alpha présentent un potentiel de destruction des cellules cancéreuses particulièrement prometteur.

Le médicament mis au point, composé de plomb 212 accroché à un vecteur, est injecté en intraveineuse au patient. « Au moment où le plomb 212 va émettre son rayonnement alpha, il sera fixé sur la cellule cancéreuse, et il va la détruire », détaille Sophie Letournel, directrice de la stratégie, de la gouvernance et de la communication d’Orano Med. « L’énorme avantage des rayonnements alpha, c’est qu’ils ont une portée extrêmement courte dans les tissus. »

Or aujourd’hui, seules deux radiothérapies innovantes sont commercialisées (par Novartis), utilisant des éléments émettant un rayonnement bêta moins puissant, mais à la portée plus longue, et donc plus susceptible d’endommager les cellules saines.

Une commercialisation en 2027 ?

Les premiers essais, réalisés aux États-Unis grâce à la biotech RadioMedix, qui a mis au point le vecteur, ont été si prometteurs que l’AlphaMedix™ a reçu une « breakthrough therapy designation », un statut prioritaire accordé par la Food and Drug Administration américaine (FDA) à une innovation de nature à procurer une avancée thérapeutique décisive.

La deuxième phase d’essais est sur le point de s’achever, et la troisième démarrera au début de l’année 2025. « On peut espérer une commercialisation fin 2026 ou 2027, sans doute d’abord aux États-Unis », anticipe Nicolas Maes.

En s’alliant avec Orano pour le développement d’un médicament qui a de très sérieuses chances d’être commercialisé dans un avenir proche, Sanofi s’assure non seulement un accès au savoir-faire mondialement reconnu du géant français dans le cycle du combustible, mais aussi à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.

Nous n’avons besoin que d’une très petite quantité de plomb 212.Sophie Letournel (Orano Med)

En effet, le plomb 212 est un isotope radioactif extrêmement rare, issu du Thorium, un ancien produit minier dont Orano possède un stock de 22 000 fûts, suffisamment abondant pour couvrir les besoins mondiaux en alphathérapie ciblée… pour l’éternité. « Ou presque », sourit Sophie Letournel : « Nous n’avons besoin que d’une très petite quantité de plomb 212. C’est comme si on prélevait une goutte d’eau tous les dix ans dans une piscine olympique. »

En septembre, Sanofi a acquis les droits de commercialisation du futur médicament. Et entend concurrencer sérieusement, sur ce marché d’avenir, le suisse Novartis.


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