A Bordeaux, un lieu de halte pour les coursiers

Le coursier Abdoulaye Camara, devant la Maison des livreurs, à Bordeaux, le 9 février 2023.

Rue du Fort-Louis, à Bordeaux, dans les locaux historiques des Restos du cœur, vient d’ouvrir une maison d’un nouveau genre : un accueil de jour pour les coursiers des plates-formes de livraison de repas à domicile. Dans ce local prêté par la ville de Bordeaux, dirigée par le maire écologiste Pierre Hurmic, ils sont une cinquantaine à avoir adhéré à l’Association de mobilisation et d’accompagnement des livreurs (AMAL), qui gère le lieu.

Ce nom a été choisi par ses trois fondateurs, Khalifa Kota, 27 ans, et Mamadou Balde, 27 ans, et Mafoud (qui n’a pas souhaité donner son nom de famille), 26 ans, livreurs des plates-formes Uber Eats et Deliveroo. Un mot qui signifie aussi « espoir », en arabe, ajoute Khalifa Kota. Si cette « maison des livreurs » a vu le jour il y a à peine deux semaines en plein centre-ville, le projet, porté par le syndicat des coursiers de Gironde, remonte à 2020. La campagne des municipales bat alors son plein et l’objectif du syndicat est d’attirer l’attention des candidats sur la précarité des livreurs de repas dans la métropole.

« Ils ont également une souffrance psychique liée à la pression que leur met l’algorithme. » Jonathan L’Utile Chevallier, de Médecins du monde Aquitaine

En parallèle, Khalifa Kota s’interroge. Il assiste, en plein travail, à deux reprises, à des accidents mettant en cause un livreur et une voiture. A chaque fois, ses collègues sont blessés, sans qu’une voiture ne s’arrête, mais lui intervient. L’un des livreurs lui dit qu’il doit se relever et reprendre sa course : il n’a pas le choix, il doit travailler.

De son côté, dans le cadre de sa mission menée dans les squats et les bidonvilles, Médecins du monde découvre que beaucoup de livreurs à vélos vivent dans ces habitats précaires, 80 % gagnant moins que le smic. Difficile de connaître leur nombre exact. L’ONG estime que, sur 6 000 statuts d’autoentrepreneurs enregistrés en entreprises de livraison dans la métropole, plus de 30 % sont domiciliés au centre communal d’action sociale, au centre d’accueil de demandeurs d’asile ou dans des résidences de grands précaires. Sans compter ceux, sans titre de séjour ou sans papiers d’identité, qui sous-louent le compte de travailleurs enregistrés sur la plate-forme.

Khalifa Kota, président de l’association Amal, en discussion avec des confrères livreurs, à Bordeaux, le 9 février 2023.

« En échangeant avec eux dans les squats et les bidonvilles, nous avons constaté une souffrance physique liée aux accidents dont ils sont victimes. Ils ont également une souffrance psychique liée à la pression que leur met l’algorithme, ils font des insomnies, se sentent harcelés par ces applications qui les poussent à travailler sans cesse », explique Jonathan L’Utile Chevallier, chargé de projet travailleur.euse.s précarisé.e.s, à Médecins du monde Aquitaine. Par rapport aux grands précaires que rencontre habituellement l’organisation, les livreurs à vélo sont pour eux « visibles et invisibles ». « On les voit sur leurs vélos, mais leurs problématiques sont invisibilisées, alors que la totalité d’entre eux sont en souffrance », déplore le chef de projet de l’ONG.

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