A la COP29, l’Afrique exige de recevoir les moyens de s’adapter au réchauffement

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« Combien de vies l’Afrique devra-t-elle perdre avant d’être entendue ?  » Le ressentiment exprimé par Augustine Njamnshi, cofondateur de l’Alliance panafricaine pour la justice climatique, qui réunit 2 000 organisations de la société civile, traverse le continent alors que s’ouvre à Bakou (Azerbaïdjan), lundi 11 novembre, la 29e Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP29).

Un nouvel objectif mondial de financement climatique doit y être défini pour remplacer à partir de l’an prochain celui – largement insuffisant – des 100 milliards de dollars (92,8 milliards d’euros) par an décidé en 2009, et atteint en 2022, pour aider les pays en développement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à s’adapter aux conséquences du réchauffement.

Dans le nord du Cameroun, dont Augustine Njamnshi est originaire, les inondations provoquées par les pluies diluviennes qui s’abattent depuis le mois d’août affectent plus de 400 000 personnes et 60 000 habitations ont été détruites. « Chez nous, de plus en plus de personnes meurent pour un dérèglement climatique dont elles ne sont pas responsables et les pays industrialisés qui en sont à l’origine ne nous portent pas assistance comme ils le devraient. Il est au contraire demandé à des pays pauvres de s’endetter davantage pour financer des programmes d’adaptation. Cela n’est plus acceptable », prévient-il.

7 millions de personnes frappées par les inondations

Depuis le début de l’année, près de 7 millions de personnes ont été frappées par des inondations d’une ampleur exceptionnelle en Afrique centrale et de l’Ouest. Mille cinq cents d’entre elles ont péri. Le Tchad, le Niger et le Nigeria accusent les dégâts les plus importants.

Dans le même temps, l’Afrique australe continue de subir les conséquences d’une sécheresse extrême qui ruine les récoltes et sape la distribution d’énergie assurée par les centrales hydroélectriques. En Zambie, l’activité économique tourne au ralenti et le pays pourrait enregistrer son plus faible taux de croissance depuis 1998 – en dehors de la courte récession pendant la pandémie due au Covid-19 – selon le Fonds monétaire international. Les entreprises comme les ménages ne reçoivent que trois heures d’électricité par jour.

L’Afrique a toujours bataillé pour exiger que l’adaptation soit prise en compte au même titre que l’atténuation des émissions. La définition d’objectifs d’adaptation fondée sur une série d’indicateurs et dont la discussion devrait aboutir d’ici la fin de 2025 à la COP30 de Belem (Brésil), doit ainsi en grande partie à sa persévérance. A Bakou, cela reste une de ses priorités.

Avec d’autant plus de légitimité que la facture du dérèglement climatique s’alourdit de manière vertigineuse et ampute de plus en plus des budgets publics déjà fortement contraints par des dettes publiques qui se sont elles aussi envolées. Sous le coup de cyclones et de sécheresses à répétition, le Malawi a, par exemple, été conduit pour la quatrième année consécutive à se déclarer en situation de catastrophe et à solliciter l’assistance internationale.

Le groupe des négociateurs africains, chargé de porter la position commune des cinquante-quatre pays du continent, entend ainsi que le nouvel objectif collectif quantifié (NCQG, selon l’acronyme anglais) comporte de manière explicite une cible de financement pour l’adaptation et pour les pertes et dommages, ces destructions liées au réchauffement et jugées irréversibles.

La moitié des financements sous forme de prêts

Il plaidera pour une enveloppe globale de 1 300 milliards de dollars par an jusqu’en 2030, « fondée sur les besoins qui ont été évalués », pour permettre aux pays du Sud de mettre en œuvre leur plan national d’adaptation et les engagements volontaires de réduction de gaz à effet de serre inscrits dans leurs « contributions nationales déterminées ». La réalisation de ces feuilles de route est, dans des proportions variables selon les pays, conditionnée à la mobilisation de fonds extérieurs.

Sur les 43 milliards de dollars consacrés à la lutte contre le changement climatique en Afrique en 2022, près de 90 % proviennent de financements étrangers, selon le rapport sur l’état de la finance climatique en Afrique publié en octobre par le centre d’analyse britannique Climate Policy Initiative. Ces fonds sont en grande majorité publics, avec une part prépondérante des banques de développement multilatérales, comme la Banque mondiale. Les experts pointent cependant une forte concentration des transferts sur une poignée de pays, puisque dix d’entre eux – Afrique du Sud, Côte d’Ivoire, Egypte, Ethiopie, Kenya, Maroc, Nigeria, République démocratique du Congo, Rwanda et Tanzanie – en captent la moitié.

A l’inverse, les dix pays les plus vulnérables, parmi lesquels le Mali, le Niger, le Tchad et le Soudan, tous classés parmi les pays les moins avancés, avec un revenu par habitant inférieur à 1 018 dollars par an, n’en reçoivent que 10 %. A l’échelle du continent, la moitié des capitaux va à l’adaptation de manière stricte ou à travers des projets mixtes, aussi destinés à réduire les émissions polluantes. Quoi qu’il en soit, le compte n’y est pas : seuls 20 % des besoins sont couverts, au prix, pour les Etats, d’une hausse de leur endettement. La moitié des sommes allouées le sont en effet sous forme de prêts à des taux concessionnels ou de marché.

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La puissance de déstabilisation du changement climatique sur des Etats fragiles est déjà visible, mais ce que réserve l’avenir est certainement sous-estimé. « Les coûts sociaux sont mal pris en compte par les méthodes actuelles d’évaluation, car ils sont difficiles à mesurer financièrement. L’insécurité alimentaire, la mortalité liée aux vagues de chaleur ou aux maladies infectieuses, l’augmentation des conflits et des migrations, portent atteinte de manière directe aux conditions de vie des populations, avec des retombées sur les économies plus lourdes que ce que nous avions imaginé », constate Climate Policy Initiative.

Des coûts sociaux sous-estimés

Face à cette réalité et à la perspective d’un doublement de la population africaine d’ici 2050, certains économistes demandent que l’adaptation devienne la priorité absolue des politiques climatiques. « Les pays à faibles revenus ont par-dessus tout besoin d’argent pour s’adapter et d’investissements pour garantir l’accès à une énergie bon marché, nécessaire à l’activité économique, aux écoles, ou à des systèmes d’alerte précoce en cas de catastrophes », prône Vijaya Ramachandran, économiste au centre de recherche américain Breakthrough Institute, déplorant que les capitaux accordés pour réduire les émissions de ces pays soient aussi importants que ceux affectés à l’adaptation.

« Cette allocation des financements pousse des pays pauvres et faiblement pollueurs à s’endetter pour des projets [de réduction d’émissions] qui ne répondent pas à leurs besoins les plus urgents », poursuit Mme Ramachandran. Les pays africains à faibles revenus sont responsables de moins de 1 % des émissions mondiales de CO2.

Quelques jours avant la conférence de Bakou, Ali Mohamed, l’envoyé spécial pour le climat du Kenya, qui préside cette année le groupe Afrique, a rappelé la solidarité attendue de la part des pays du Nord : « Le changement climatique est notre défi commun, mais les financements mobilisés doivent refléter l’aggravation de la réalité à laquelle nous faisons face. Nous voulons un accord qui réponde aux attentes des personnes les plus affectées. Le contraire serait desservir notre continent ».

Jusqu’à présent, les pays industrialisés rechignent à s’engager sur des chiffres. Beaucoup estiment que plusieurs points de la discussion devraient au préalable être clarifiés, comme la liste des futurs contributeurs. Ils souhaitent en particulier que le statut de pays en développement de la Chine, devenue premier émetteur mondial de CO2, soit reconsidéré.

Ils n’imaginent pas non plus que les milliers de milliards de dollars à investir pour permettre aux pays en développement de se doter d’économies sobres en carbone tout en s’adaptant aux effets les plus sévères du réchauffement puissent reposer principalement sur leurs efforts budgétaires. Et renvoient à la réflexion menée dans d’autres enceintes, comme le G20, sur la réforme du système financier international. L’élection de Donald Trump et le probable retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat rendent l’équation d’autant plus ardue à résoudre.

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