A l’école Ferrandi, ces jeunes cuisiniers qui se rêvent en « foodpreneurs »

Regroupés autour d’un plan de travail, les jeunes membres de la brigade reçoivent les dernières instructions. « Soyez bien prêts à 11 h 50 tapantes. J’aimerais aussi plus de respect du silence dans les cuisines durant le service, c’est important », les briefe leur cheffe de cuisine du jour, Juliette Coignet, 20 ans. Aux fourneaux et au coin pâtisserie, uniquement des étudiants, en troisième année de formation à l’école de cuisine Ferrandi, à Paris. Ce midi-là, près de soixante couverts les attendent pourtant bel et bien, au sein du restaurant d’application de l’école. Entièrement transformé, de la décoration au menu, celui-ci a été rebaptisé « En soi », le nom du concept original imaginé par des élèves de la promotion.

C’est le clou de fin de cursus de ce bachelor « arts culinaires et entrepreneuriat » qui, dispensé aussi à Rennes et Bordeaux, entend former les têtes pensantes de la restauration de demain. Ses étudiants ont planché durant plusieurs semaines sur la création de concepts de restaurants inédits, formulé des « business plans », pour ensuite leur donner vie le temps de quelques jours.

Pour ce premier concept, les élèves proposent d’aller à la redécouverte des épices, en sublimant la plante initiale brute souvent oubliée. Baies, écorces, fleurs… Ces végétaux séchés, qui donnent naissance à nos poudres colorées, sont exposés dès l’entrée du restaurant, et les clients invités à les sentir, les toucher, avant de déguster leur plat.

Des « chefs-chefs »

« On voulait proposer une expérience sensorielle complète, explique Barbara Mazaud, 22 ans, qui a bifurqué sur le bachelor à Ferrandi après deux années de médecine. Ce type de valeur ajoutée est devenu nécessaire pour se démarquer : c’est quelque chose qu’on nous rappelle pour le jour où on voudra lancer nos propres affaires. »

Ici, c’est ce à quoi aspirent, à court ou moyen terme, la quasi-totalité des élèves et représente une coloration centrale de la formation. En plus de l’apprentissage des fondamentaux de la cuisine sont dispensés des cours de gestion, de marketing ou de « créativité », avec une idée : commencer à constituer son « identité culinaire ».

« J’aime souvent dire que nous formons des “chefs-chefs”, amenés à devenir à la fois chef de cuisine et chef d’entreprise », explique Christophe Haton, Meilleur Ouvrier de France, qui supervise la mise en application des business plans des élèves. Les termes ont toutefois changé en quelques années. Dans les cuisines, les élèves, smartphone à la main, filment leurs préparations en plan serré, pour les poster sur les réseaux sociaux. Ils s’efforcent de rester à l’écoute des tendances culinaires – les « trends », disent plutôt certains élèves – devenues une mode à part entière. Nécessaire pour qui, comme nombre d’entre eux, s’imagine intégrer le monde des « foodpreneurs », ces nouveaux entrepreneurs de la restauration.

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