à Tunis, l’exil intranquille du militant algérien Zaki Hannache

L’Algérie n’est plus qu’un soupir. Un souvenir qui s’arrache à lui. La nostalgie de son cher pays est trop forte, écrasante, presque suffocante. L’exil ne fait pas dans les sentiments : le jeune homme a dû apprendre à apprivoiser le manque, celui des amis, de la famille et des rues d’Alger. La solitude aussi. « Je vis en isolement total, répète Zakaria Hannache de sa voix musicale. Au moins en prison, on est avec du monde. »

Depuis le 14 novembre 2022, « Zaki », comme on aime l’appeler, se cache à Tunis, où le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) lui a accordé le statut de réfugié politique. Pour avoir été un des visages lumineux du Hirak – ce « mouvement » populaire pacifique qui a secoué l’Algérie à partir du 22 février 2019 et qui a mis fin au règne d’Abdelaziz Bouteflika –, ce militant de 35 ans doit se terrer dans cette capitale loin d’Alger. Il y a quelques jours encore, il a changé de planque pour la onzième fois. Et c’est dans l’une d’entre elles que Le Monde a longuement pu le rencontrer.

Depuis trois mois, il craint de se faire « enlever par les services algériens » et d’être une nouvelle fois jeté en prison. « Il vit avec cette épée de Damoclès sur la tête », atteste Ahmed Messedi, son avocat tunisien. Enlever ? A Tunis ? Est-ce probable ? « Il y a un précédent », rappelle « Zaki » : il pense à Slimane Bouhafs, 55 ans, un sympathisant du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), désormais classé organisation terroriste par le régime algérien.

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Ce réfugié politique, reconnu comme tel par la représentation tunisienne du HCR, converti au christianisme, a été kidnappé le 25 août 2021 dans son petit appartement situé au cœur de Tunis par des inconnus qui l’ont rapatrié de force en Algérie. M. Bouhafs est aujourd’hui en détention à Koléa, poursuivi, selon sa famille, pour dix chefs d’inculpation. Un autre militant du MAK – avec qui Le Monde a pu s’entretenir – prétend avoir failli être enlevé le 25 janvier 2022 dans une rue de Tunis par des Algériens. « Le risque d’être pris est là », martèle Zakaria Hannache.

Sa peur est si intense que l’autre nuit, il a passé des heures le dos contre la porte d’entrée. « Je croyais que des policiers venaient m’arrêter. En fait, la porte claquait à cause du vent, raconte-t-il en rejouant la scène. C’est alors que je me suis dit : “Arrête, calme-toi. Si tu paniques, tu vas faire une bêtise.” » Le « stress » perpétuel qu’il ressent l’a même amené, il y a quelques jours, aux urgences : le mal de ventre était devenu insupportable.

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