La junte du capitaine Ibrahim Traoré, au pouvoir depuis fin 2022 au Burkina Faso, poursuit sa répression des opposants et des militaires suspectés de vouloir la renverser. Selon un arrêté signé mardi 19 novembre par le ministre de l’économie et des finances, Aboubakar Nacanabo, décision a été prise de geler, avec effet immédiat et pour une période de six mois renouvelables, « les biens et les ressources économiques » d’une centaine de personnes physiques et morales dont les noms sont listés un à un.
Parmi ces individus, des djihadistes présumés ou certains de leurs soutiens financiers ou logistiques. Mais aussi une quinzaine d’officiers et de civils bien connus de leurs compatriotes, tous accusés de « participation à des actes de terrorisme et/ou de financement de terrorisme ». Premier d’entre eux, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, renversé le 30 septembre 2022 par le capitaine Traoré. Exilé au Togo voisin depuis sa chute, il est régulièrement accusé de velléités déstabilisatrices par la junte. Début octobre, son successeur avait évoqué son implication dans un « projet de déstabilisation en lien avec des terroristes » et publiquement réclamé son extradition de Lomé.
Un de ses anciens proches collaborateurs et camarade de promotion, le lieutenant-colonel Yves Didier Bamouni, qui dirigeait les opérations militaires sur le théâtre national quand M. Damiba était au pouvoir, est aussi visé. Comme de nombreux officiers accusés de vouloir renverser le capitaine Traoré, M. Bamouni a été enlevé par des hommes armés, mi-juillet, à Ouagadougou. Il est depuis détenu au secret par les services de renseignement, sort souvent réservé aux officiers jugés hostiles. Avant de voir leurs biens gelés, MM. Damiba et Bamouni ont été formellement radiés de l’armée, début octobre, pour « faute jugée particulièrement grave » avec quatorze autres officiers et sous-officiers.
Figures honnies du régime
Autres officiers visés par le gel de leurs avoirs : le lieutenant-colonel Roméo Ouoba, ancien commandant des opérations spéciales, et le commandant Sékou Ouédraogo, ex-directeur adjoint de l’Agence nationale de renseignement (ANR). Eux aussi accusés de visées déstabilisatrices, ils ont quitté le Burkina Faso et sont entrés en clandestinité.
Plusieurs civils sont également concernés par cette nouvelle mesure de rétorsion. Djibril Bassolé et Alpha Barry, deux anciens ministres des affaires étrangères devenus des figures honnies du régime Traoré, en font partie. Le premier est exilé à Paris, le second à Abidjan. Les journalistes Newton Ahmed Barry et Abdoulaye Barry, également réfugiés à l’étranger et réputés pour leurs positions critiques contre la junte, sont aussi concernés. Tout comme Ahmed Aziz Diallo, ancien député-maire de Dori, une ville du nord du pays encerclée par les groupes djihadistes.
Enfin, l’arrêté du ministère de l’économie cite comme personnes morales le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, lié à Al-Qaida) et l’Etat islamique dans le grand Sahara (EIGS). Plusieurs de leurs chefs « actifs » au Burkina Faso sont mentionnés, tels Yero Dicko (alias « Djaffar ») et Abdramane Sidibé (alias « Hamza ») pour le GSIM, « Oumeya l’arabe » et Hamidou Assoumana (alias « Bourgou ») pour l’EIGS.