Au Burkina Faso, le chef de la junte veut aussi avoir la main sur la fédération de football

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C’est désormais officiel : le 31 août, Oumarou Sawadogo a été nommé nouveau président de la Fédération burkinabée de football (FBF) pour une durée de quatre ans. Cela faisait déjà plusieurs semaines qu’il n’y avait plus de suspense autour de cette élection, puisque ce colonel major à la retraite, présenté comme le candidat du capitaine Ibrahim Traoré, le chef de la junte au pouvoir, était seul en lice. Les deux hommes se connaissent très bien : le nouveau président de la FBF fut, en effet, le supérieur du président de transition dans la région militaire de Kaya, avant son coup d’Etat en septembre 2022.

Elu avec un score de 99,02 % (203 voix sur 210), Oumarou Sawadogo est le neuvième président de la FBF depuis sa création, en 1960. Il prend ses fonctions à quelques jours de deux matchs des Etalons qualificatifs pour la Coupe d’Afrique des nations 2025 : au Sénégal, le 6 septembre, puis face au Malawi à Bamako quatre jours plus tard (le stade du 4-Août à Ouagadougou n’étant pas homologué par la Confédération africaine de football).

Ce n’est pas la première fois qu’un militaire occupe cette fonction. Avant lui, le colonel Souley Mohamed, le général Honoré Nabéré Traoré et le colonel major Sita Sangaré avaient aussi dirigé la fédération de football. Durant la campagne, la junte du capitaine Traoré a tout fait pour que le colonel major Oumarou Sawadogo ne rencontre pas le moindre obstacle. Son prédécesseur, Lazare Banssé, élu en 2020 et qui avait envisagé de briguer un nouveau mandat, a été invité à ne pas se représenter. Le désormais ex-président de la FBF avait alors appelé les acteurs du football burkinabé à faire bloc autour d’un candidat consensuel et soutenu par tous.

Des soutiens obtenus par pression

Face au colonel major Oumarou Sawadogo, deux autres postulants s’étaient également mis en retrait de la course à la présidence. Il s’agit des anciens internationaux Jonathan Pitroipa (84 sélections entre 2016 et 2019), qui a joué notamment à Hambourg (en Allemagne) et à Rennes (en Ille-et-Vilaine), et Rahim Ouédraogo (21 sélections entre 1999 et 2007), lequel a effectué l’essentiel de sa carrière aux Pays-Bas. Le premier a vu sa candidature invalidée en raison de l’absence de certains documents administratifs, alors que le second s’est retiré et a décidé de s’allier à Oumarou Sawadogo, dont il sera le premier vice-président. « Rahim Ouédraogo est un homme d’affaires, explique un journaliste burkinabé ayant requis l’anonymat. Il ne veut pas d’ennuis et a rapidement accepté de soutenir le colonel major. »

Ali Guissou, le président de la section football de l’Association sportive des douanes, vainqueur du championnat de Division 1 en 2023 et 2024, a longtemps contesté l’invalidation de son dossier avant de lui aussi se rallier au candidat du pouvoir. La veille de l’élection, Ali Guissou s’est rendu au domicile de Rahim Ouédraogo, où celui-ci avait organisé un dîner réunissant plusieurs acteurs du football burkinabé. « Ali Guissou est arrivé un peu après la fin du repas, tout s’est passé dans une ambiance conviviale et constructive », confirme une source locale. Le dirigeant aurait renoncé à faire appel de l’invalidation de son dossier auprès du Tribunal arbitral du sport (TAS) et finalement accepté de soutenir Oumarou Sawadogo en raison de différentes pressions, parfois très fortes, dont lui et certains de ses proches ont été la cible. « Je ne veux pas en débattre », répond Ali Guissou.

Un des membres de sa liste, Inoussa Tapsoba, président du club ASEC Koudougou et aide-comptable à la direction des finances, a ainsi été affecté à la direction régionale des sports et des loisirs du Sahel, à Dori, dans le nord du Burkina Faso, en pleine zone contrôlée par les groupes djihadistes. Certains partis d’opposition ont dénoncé l’ingérence de la junte dans les affaires du football burkinabé, sans grand effet. « Il y a clairement eu un candidat désigné et imposé par le pouvoir : le nouveau président de la fédération aura-t-il les mains libres pour travailler ?, s’interroge un dirigeant de club. Dans la mesure où le football local, et notamment les sélections nationales, dépend très largement de l’Etat au niveau financier, aucune décision importante ne pourra être prise sans un accord venu d’en haut. »

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