Au Burkina Faso, l’impasse des déplacés fuyant les djihadistes

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Sous 43 °C, quelques maigres arbres peinent à faire de l’ombre aux tentes et abris de fortune des camps près de Dori. Dans le nord-est du Burkina Faso, des milliers de déplacés ont fui les violences djihadistes vers ces refuges précaires où leur avenir semble sans espoir.

Dans le camp de Wendou 2 – une extension de l’immense camp éponyme qui héberge à lui seul quelque 3 000 déplacés –, Hawa Mama avoue n’avoir « même plus la force de bouger ». « Même si c’est difficile ici, là-bas [dans les villages] c’est pire. On n’a pas d’autre choix que de rester ici. On n’a plus rien là-bas. On est venus ici, on est obligés de rester dans ces conditions », raconte cette quinquagénaire en fulfulde, la langue de l’ethnie peule, un pagne rouge enveloppant sa tête.

Kirissi Sawadogo a elle aussi fui son village de Lelly, dans la région du Sahel (Nord-Est), pour sauver sa vie. « C’est à cause de la situation que vit le pays. Ils sont venus dans notre village, ils nous ont menacés, ils ont volé notre bétail, ils ont tué des gens. C’est pour ça qu’on a dû fuir et qu’on est arrivés ici », explique-t-elle à l’Agence France-Presse (AFP) en effritant du tô brûlé, une pâte élaborée à partir de farine de mil.

Rarement nommés par les déplacés, ces hommes armés sont généralement des combattants djihadistes liés à Al-Qaida ou à l’Etat islamique (EI), qui terrorisent les populations par des attaques sanglantes depuis près de dix ans au Burkina Faso. La région du Sahel paie un lourd tribut : un quart des 2 millions de déplacés internes au Burkina Faso en sont originaires, selon des chiffres officiels de mars 2023 (qui n’ont pas été réactualisés depuis). Le camp de Wendou a même été attaqué en septembre 2023 et au moins huit déplacés ont été tués.

En début d’année, 85 % des écoles et 69 % des infrastructures sanitaires de la région du Sahel étaient fermées, d’après le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA). Selon un classement du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) publié lundi 3 juin, le Burkina Faso vit la crise de déplacement la plus négligée au monde pour la deuxième année de suite. « Le Sahel est une région qui est systématiquement négligée », insiste Jan Egeland, secrétaire général du NRC, en visite dans les camps près de Dori à la fin de mai : « Et maintenant, en plus de ça, il y a une crise diplomatique et politique entre les donateurs en Occident et les nouveaux gouvernements militaires à travers le Sahel. »

Comme le Mali et le Niger, des pays voisins également en proie à des violences djihadistes, le Burkina Faso est gouverné par un régime militaire arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 2022 et dont les relations avec les puissances occidentales – en particulier la France – sont tumultueuses. Les autorités affirment régulièrement obtenir des victoires sur les djihadistes, mais les attaques se poursuivent et une partie du territoire reste hors de contrôle de l’armée.

Point névralgique

« Nous sommes juste là, sans rien, nous devons compter sur nous-mêmes pour survivre », déplore Amadou Dicko, arrivé il y a six mois avec sa famille à Torodi, un autre camp près de Dori, où le paysage de désolation est le même qu’à Wendou. Pour gagner quelques milliers de francs CFA, certains hommes font de l’orpaillage illégal dans les alentours malgré les risques sécuritaires.

Assise sur une natte à même le sol, dans un abri d’environ 3 mètres carrés fait de secco (une palissade végétale), de bois et de bâches, Aissetou Amadou est arrivée au même moment. Avec sa famille, elle a dû fuir son village, situé près de Gorgadji, menacée par des « hommes armés ». « Ce sont les enfants qui essayent de rapporter à manger. Hier ils ont pu rapporter deux kilos de riz [acheté en ville]. On a cuisiné la moitié dans la soirée et le reste ce matin », dit-elle, sans savoir quand sera possible le prochain ravitaillement.

Grande ville du nord-est du Burkina Faso proche de la route nationale 3 (RN 3) qui mène à Ouagadougou, Dori est un point névralgique pour l’approvisionnement de la région. Mais si l’aide humanitaire pour les besoins essentiels parvient par les airs grâce aux vols du Programme alimentaire mondial (PAM), les vivres, l’essence et les intrants agricoles passent encore par la route, sous escorte de l’armée.

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Au bord de la RN 3, des dizaines de camions sont stationnés en attente du feu vert pour partir en convoi sur ce tronçon dangereux régulièrement ciblé par les djihadistes qui se trouvent aux abords de Dori. « Avant, tu pouvais charger ton véhicule à 19 heures à Ouagadougou, et à 5 ou 6 heures le lendemain le véhicule était devant ta boutique, relate Amadou Hamidou Dicko, président des commerçants de Dori. Actuellement, il faut attendre quinze, trente ou quarante-cinq jours, ça dépend, car on ne communique jamais le jour exact de démarrage du convoi. »

Conséquence : le coût d’acheminement a augmenté et se répercute sur les prix de vente. « Il y a deux ou trois ans, le sac de riz de 50 kg se vendait entre 16 000 et 17 000 francs CFA [entre 24 euros et 26 euros]. Actuellement, c’est 27 000 francs CFA », détaille M. Dicko. Alors parfois, les commerçants optent pour ce qu’ils appellent « le contournement » via d’autres axes, non escorté, au risque de voir leurs marchandises et leurs camions volés ou détruits.

Le Monde

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