Au Caire, la vie en suspens de trois mères palestiniennes ayant fui Gaza

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Les peintures de la petite Saddan El-Safade, 9 ans, parlent d’elles-mêmes. Là, un fond noir criblé de taches claires comme des explosions dans la nuit. Ici, la mer et de vifs éclats de gouache sur une bande de terre. Là encore, un drapeau palestinien au triangle rouge sanguinolent et dont la bande blanche a disparu. « Ce sont mes souvenirs de Gaza », lâche-t-elle d’un ton neutre.

Saddan, sa mère, Israa, son petit frère, Ahmad, et sa sœur, Watin, vivent désormais dans l’enceinte d’un lotissement sorti de terre au milieu du désert à une trentaine de kilomètres à l’est du Caire. La petite famille est arrivée dans la capitale égyptienne en février, après plusieurs mois de survie dans l’enclave palestinienne, dévastée par le feu israélien.

Saddan est une miraculée. Le 4 novembre 2023, leur maison du quartier de Chadjaya est soufflée par un bombardement. La petite fille, qui jouait aux cartes dans le salon, est ensevelie sous les murs. « Pierre par pierre, on l’a extirpée des décombres », raconte sa mère, Israa El-Safade, dont le foulard s’était enflammé au contact des cendres incandescentes.

Survivre, un « défi constant »

L’enfant a le crâne ouvert, l’une de ses jambes pend dans le vide, en angle droit. Tout son corps est fracturé. A l’hôpital Al-Shifa, elle est recousue sommairement avant d’être transférée à quelques rues de là vers le centre médical Amis du patient, où un jeune interne la prend en charge. « Est-ce qu’on coupe ou pas ? » La question hante encore Israa. La mère refuse sur-le-champ l’amputation de sa fille. Elle parvient à l’emmener à 25 kilomètres de là, à Deir Al-Balah, à l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa, où la petite fille est finalement sauvée et sa jambe préservée au prix d’interventions réalisées sans antidouleur.

Des mois plus tard, assise dans un café du Caire, la petite fille parle sans peine, du haut de ses 9 ans, de ces épisodes traumatiques. Devant sa mère effondrée, Saddan s’exprime d’une voix claire, comme elle raconterait une journée banale à l’école, tout en dévorant une glace au chocolat. Dans les hôpitaux de Gaza, elle a décidé qu’elle deviendrait une chirurgienne reconnue dans le monde entier, et qu’elle travaillerait à Gaza, « pour soigner les enfants. Car tous les pays doivent savoir que Gaza existe », dit-elle, le regard déterminé.

« Aujourd’hui, ma seule préoccupation est de faire étudier mes enfants », livre Israa. « Mais, sans permis de séjour égyptien, c’est impossible de les inscrire dans un établissement », déplore-t-elle. Plusieurs jours par semaine, Israa emmène Saddan suivre des cours de langue dans un institut privé, « pour ne pas qu’elle oublie le français et l’anglais. Mais ça coûte cher ! », se désole la mère, seule avec trois enfants à charge.

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