En gestation depuis le putsch du 31 août 2023, le projet de Constitution censé « refonder l’Etat » a été présenté aux Gabonais, lundi 21 octobre. Ceux-ci diront le 16 novembre par référendum s’ils agréent ce texte. On le dirait avoir été taillé sur mesure pour permettre à l’actuel homme fort du Gabon, le général de brigade Brice Oligui Nguema, d’enfiler le costume civil d’un président doté d’hyperpouvoirs à l’issue de la transition promise pour s’arrêter en août 2025 au plus tard.
Le « coup de libération » de 2023, selon la qualification officielle, avait mis un terme aux cinquante-six années de pouvoir monopolisé par la famille Bongo Ondimba : Omar, le père, de 1967 jusqu’à sa mort en 2009, auquel succéda son fils Ali jusqu’à sa chute brutale, déposé par le chef de sa garde prétorienne.
Le projet de Constitution éviterait la reproduction d’une telle dynastie républicaine. Le président de la République sera élu pour sept ans, au suffrage universel direct, rééligible une seule fois. S’il laisse planer une ambiguïté sur la comptabilité des mandats non successifs, il introduit une clause quasiment discriminatoire qui précise qu’au « terme du mandat du président de la république, son conjoint et ses descendants ne peuvent se porter candidats à sa succession ».
L’ombre de la « maison Bongo » se projette aussi sur les conditions d’éligibilité du prochain président. Les détracteurs d’Ali Bongo Ondimba lui reprochaient en effet d’avoir laissé filer, surtout après son très grave accident vasculaire de 2017, son pouvoir entre les mains de non-Gabonais. Une référence à l’influence de sa femme, Sylvia, et de l’un de ses fils, Noureddin Bongo Valentin, tous deux binationaux franco-gabonais, entourés d’une cohorte de conseillers surnommés « la légion étrangère ».
« Pouvoir écrasant »
Dorénavant, il faudra « être né gabonais d’au moins un parent gabonais, lui-même né gabonais ; avoir la nationalité gabonaise unique et exclusive ; être marié(e) à un(e) Gabonais(e) né(e) d’au moins un parent gabonais, lui-même né gabonais ; avoir résidé au Gabon pendant au moins trois ans sans discontinuité avant l’élection présidentielle. » Cette disposition ne fait pas l’unanimité. La Coalition pour la nouvelle République (CNR), groupement politique d’opposition, dénonce ainsi une « discrimination négative, une classification entre Gabonais entier, demi-Gabonais, tiers-Gabonais et quart-Gabonais ».
Mais les quelques voix critiques qui ont commencé à s’exprimer – telle celle du dernier premier ministre d’Ali Bongo Ondimba, Alain-Claude Bilie-By-Nze, ou de la CNR – s’inquiètent surtout du « pouvoir écrasant, affaiblissant gravement la séparation des pouvoirs », dont disposera le futur président.
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