Au Kenya, il y a près de 3 millions d’années, tartare d’hippopotame au menu grâce à des pierres taillées

Un squelette fossilisé d’hippopotame et des artefacts oldowayens, sur le site de Nyayanga, dans le sud-ouest du Kenya, en juillet 2016.

« C’est un site de rêve ! », s’exclame l’archéologue Sonia Harmand (université Stony Brook, New York) en commentant la découverte, au Kenya, d’outils lithiques datés de 2,6 à 3 millions d’années. Elle-même a mis au jour en 2012, déjà dans ce pays d’Afrique de l’Est, des outils de pierre vieux de 3,3 millions d’années, de facture plus fruste. La nouvelle découverte, présentée dans Science du 10 février, ne fait donc pas tomber de record d’ancienneté. Mais ce que la chercheuse française juge « extraordinaire », c’est que ses collègues, sous la direction de Thomas Plummer (Queens College, Smithsonian’s Human Origins Program), soient tombés sur une combinaison unique d’éléments archéologiques et paléontologiques.

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Le site de Nyayanga, près du lac Victoria, fouillé depuis 2015, a en effet livré les plus anciens outils de pierre taillée de facture dite oldowayenne – en référence aux gorges d’Olduvai, en Tanzanie, où les premiers artefacts de ce type avaient été mis au jour à la fin des années 1930 par le couple de paléoanthropologues Louis et Mary Leakey – mais y ont aussi été trouvés quantité d’ossements d’animaux portant des marques de découpe ou de fractures causées par lesdits outils. Mieux, on a observé sur ces derniers des traces d’utilisation non seulement comme instruments de débitage ou d’attendrissement de la viande, mais aussi de broyage de végétaux. Et enfin, l’expédition a eu la chance de mettre la main sur deux molaires de Paranthropus, les plus anciennes attribuées à cet hominine (la famille des humains et de ses ancêtres et apparentés).

Un « carton plein » que Thomas Plummer attribue à sa bonne étoile. « Même si nous n’avions trouvé que des outils, je me serais considéré comme très chanceux », indique-t-il, insistant sur la rareté de telles découvertes. Celles-ci ne sont cependant pas entièrement fortuites. Le chercheur fouillait depuis vingt ans les environs, dans une péninsule au nord-est du lac Victoria, où les anciennes retombées d’éruptions d’un volcan ont protégé les vestiges archéologiques et paléontologiques.

« Un des hommes qui travaillaient avec nous est originaire de Nyayanga et nous a indiqué y avoir vu des artefacts proches de ceux que nous cherchions. Nous sommes allés voir ce qui sortait de terre après de grosses pluies qui dégagent les sédiments, puis, à partir de 2015, nous avons lancé des fouilles en bonne et due forme, raconte Thomas Plummer. La majorité des vestiges ont été retrouvés en 2016 et 2017. »

Traces de découpe

L’article de Science les présente en détail. Il y a donc d’abord les outils lithiques oldowayens – plusieurs centaines de « marteaux », de noyaux de pierre et d’éclats ont été identifiés. Ils ont été comparés à d’autres outils préhistoriques en pierre, mais aussi à des roches brisées par des singes capucins au Brésil pour lécher la poussière ainsi produite, afin de s’assurer qu’ils étaient bien le fruit de manipulations volontaires visant à obtenir des éclats coupants. L’analyse est sans ambiguïté.

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