La décision des autorités maliennes d’exclure les organisations humanitaires bénéficiant de fonds du gouvernement français n’est pas une bonne nouvelle, bien au-delà des frontières de ce pays. Car est ainsi symboliquement battu en brèche le positionnement – sans cesse réaffirmé par les humanitaires – d’un strict respect des principes cardinaux du mouvement : l’indépendance, la neutralité, l’impartialité et l’humanité. Ces principes permettent précisément, en situation de conflit armé, de pouvoir porter secours à toutes les populations civiles quelles que soient leur localisation territoriale ou leur affiliation politique par rapport aux belligérants qui s’affrontent.
L’exercice d’intervention humanitaire consiste à utiliser en toute liberté des financements octroyés par des pays donateurs, sans subordination à leurs choix en matière de politique étrangère, dans le seul intérêt des populations civiles prises dans la tourmente, comme c’est le cas dans plusieurs Etats du Sahel aujourd’hui.
Mais que peut la réalité face à la perception ?
La décision des autorités maliennes qualifiant l’aide de la France de « moyen de chantage » entraîne des conséquences sur le sort des personnes jusqu’ici soutenues par les ONG, qu’elles soient nationales ou étrangères.
Cette situation illustre une nouvelle fois les limites du modèle économique global de l’aide humanitaire internationale.
Une aide insuffisante en volume
Le modèle qui prévaut aujourd’hui est porteur de logiques qui exposent progressivement les ONG internationales (ONGI) à limiter leur capacité à agir : d’une part l’enveloppe annuelle des recettes financières pour faire face à l’ensemble des crises est insuffisante en volume et, d’autre part, des acteurs politiques ou militaires leur prêtent, comme c’est désormais le cas au Mali, des connivences suspectes avec les orientations de politique étrangère des pays donateurs.
En 2021, l’appel coordonné des Nations unies a estimé à 38 milliards de dollars les apports financiers nécessaires pour répondre aux besoins de plus de 300 millions de personnes en situation de crise. Seuls 56 % des fonds seront obtenus auprès des Etats, complétés par 6 milliards de dollars collectés par les ONGI auprès de leurs donateurs (à 85 % le grand public).
Les fonds gouvernementaux sont presque exclusivement fournis par des pays occidentaux (à l’exception des Emirats arabes unis et de l’Arabie saoudite), membres de l’OCDE pour la plupart. Les contributions représentent entre 0,03 % et 0,2 % du revenu national brut (RNB) des contributeurs majeurs. Les sommes obtenues proviennent d’un club restreint d’une vingtaine d’Etats (et des institutions européennes, deuxième donateur mondial après les Etats-Unis). La France est le dixième contributeur mondial.
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