Dénonçant une « mascarade », un collectif de partis et d’organisations de la société civile malienne a rejeté la perspective de plusieurs années de régime militaire préconisées à l’issue de consultations organisées par la junte. Les parties prenantes à ce collectif « dénoncent vigoureusement la mascarade de dialogue inter-Maliens [lancée] par les autorités en place et rejettent ses recommandations », disent-elles dans un communiqué consulté lundi 13 mai sur les réseaux sociaux et authentifié par l’Agence France-Presse (AFP). Les militaires « veulent s’éterniser au pouvoir en prenant en otage le Mali et les Maliens », ajoute le communiqué.
Des concertations organisées par la junte et censées produire des solutions de sortie de crise ont « recommandé » vendredi plusieurs années supplémentaires de régime militaire et une candidature du chef de cette junte, le colonel Assimi Goïta, à une future élection présidentielle. L’application de ces conclusions ne fait guère de doute, le colonel Goïta ayant de nouveau accueilli favorablement ces « recommandations » lundi.
« Nous allons prendre des dispositions pour concrétiser les quelque 300 recommandations des Maliens que vous venez de me remettre », a-t-il dit en bambara, sans entrer dans le détail, dans une vidéo postée sur la page Facebook de la présidence après la remise des préconisations. Ces recommandations « feront l’objet d’un grand suivi », a-t-il déclaré en français à la télévision d’Etat : « Le dénouement heureux de ce processus nous donne de réels espoirs pour la résolution durable du conflit que nous visons depuis plus d’une décennie. »
Boycott
Le Mali est plongé depuis 2012 dans une crise sécuritaire et politique profonde nourrie par le djihadisme, les violences des groupes armés et les revendications indépendantistes dans le Nord. Le pays a connu un double coup d’Etat militaire, en 2020 et 2021, et les colonels qui le dirigent ont manqué à l’engagement pris auprès de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) d’organiser des élections et de céder la place à des civils élus d’ici au 29 mars 2024.
Depuis 2020, ils ont multiplié les actes de rupture et se sont tournés militairement et politiquement vers la Russie. Ils ont dénoncé l’accord de paix d’Alger signé en 2015 avec les groupes séparatistes du Nord et considéré par les partenaires internationaux et les Nations unies (ONU) comme un facteur primordial de stabilisation. Ils ont lancé à la place un « dialogue inter-Maliens pour la paix » qui s’est achevé vendredi. Une grande partie de ce qui reste de l’opposition a boycotté ce « dialogue ». Les autorités ont dissous depuis 2020 un certain nombre d’organisations critiques. Elles ont suspendu en avril les activités des partis.
Certaines de ces organisations et partis ont signé le communiqué publié sur les réseaux sociaux. Les recommandations de vendredi ne reflètent « aucunement la volonté du peuple », disent-elles, notant la mise à l’écart de toute opposition, et n’ont « accouché d’aucune initiative malienne de paix » malgré l’objectif annoncé. Selon elles, les autorités ignorent les difficultés quotidiennes des Maliens, confrontés à l’insécurité, à la cherté de la vie, au chômage et aux coupures d’électricité, et « ont démontré leur incapacité notoire à apporter un moindre début de solution ».