
Il était l’un des seuls, la veille de sa condamnation, à avoir refusé de monter dans l’avion qui expulsait plus de 200 prisonniers politiques vers Washington. Le régime de Daniel Ortega en a fait un exemple, et un avertissement : l’évêque Rolando Alvarez a été condamné vendredi 10 février à vingt-six ans et quatre mois de prison pour « conspiration visant à porter atteinte à l’intégrité nationale » et « propagation de fausses nouvelles ». L’ecclésiastique a été déchu de sa nationalité nicaraguayenne et de ses droits civiques à perpétuité.
Arrêté le 19 août 2022 et assigné à résidence depuis lors, l’évêque de Matagalpa (à 130 kilomètres au nord de Managua) a été transféré à la prison La Modelo, dans l’est de la capitale. Il était une des voix les plus critiques contre le gouvernement, et le premier religieux de ce rang à être arrêté. Un autre évêque, Silvio Baez, avait été contraint à l’exil en 2019. Pour le président Daniel Ortega – au pouvoir entre 1984 et 1990 et depuis 2007 –, l’Eglise catholique est complice d’une tentative de coup d’Etat ourdie par Washington. Au début du mois, cinq prêtres ont été condamnés à dix ans de prison.
Rolando Alvarez aurait dû être expulsé vers les Etats-Unis, jeudi 9 février, avec 222 autres opposants libérés par le régime, privés eux aussi de leurs droits civiques et déchus de leur nationalité. Mais alors qu’il se trouvait dans la queue pour monter dans l’avion, « le personnage Alvarez a commencé à dire qu’il n’irait pas », a raconté le chef de l’Etat lors d’un discours de presque une heure, traitant l’évêque d’« arrogant », de « déséquilibré », de « fou » et d’« énergumène ».
« Agents de puissances étrangères »
Daniel Ortega a nié que la libération massive d’opposants – auxquels Madrid a proposé d’offrir la nationalité espagnole – soit le résultat d’une « négociation » avec Washington, qui a imposé des sanctions à Managua après la répression des manifestations antigouvernementales de 2018, qui avait fait 355 morts. « A diverses occasions, j’ai dit que tous ces gens en prison, arrêtés pour atteintes à la souveraineté, à la paix, contre le peuple nicaraguayen, étaient des agents de puissances étrangères, et [que celles-ci] pouvaient les ramener [chez elles] », a-t-il raconté. C’est son épouse et vice-présidente, Rosario Murillo, qui lui aurait suggéré de proposer à l’ambassadeur américain à Managua, Kevin Sullivan, de « reprendre ses mercenaires », « sans rien demander en échange ».
Le pape François, qui a reconnu dimanche, avoir été « peiné » par la nouvelle de la condamnation de Mgr Alvarez, a précisé qu’il priait pour lui et pour les opposants expulsés et a renouvelé ses appels « à l’exercice patient du dialogue ».
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