Paul Kagame a-t-il réellement besoin de courir ainsi de ville en ville pour convaincre les électeurs de voter pour lui à la présidentielle du 15 juillet, et pour ses candidats du Front patriotique rwandais (FPR) aux législatives organisées le même jour ? Au regard du dernier scrutin, il ne s’agit pas là de convaincre les indécis qui pourraient faire pencher la balance du bon côté. En 2017, Paul Kagame, président d’un pays sous contrôle étroit de ses services de sécurité, avait frôlé l’unanimité, avec 98,63 % des voix, pour un taux de participation de 98,15 %. Personne n’imagine un scénario différent cette fois-ci.
La présence massive des Rwandais tout au long de son périple lui permet au moins de constater que le FPR est toujours cet énorme chalutier politique qui attrape dans ses filets tout, ou presque, ce que le pays compte d’électeurs (environ 9 millions). « Mais ce n’est pas un gage de popularité, cela n’a rien d’authentique », avertit un sociologue politique qui préfère garder l’anonymat. « La participation est une norme sociale : il faut y aller pour ne pas se faire remarquer ni mal voir par le FPR, qui quadrille le pays », ajoute cet observateur.
Paul Kagame, 66 ans, parcourt le pays comme un chef d’état-major des armées ferait une tournée d’inspection des casernes pour s’assurer que tout est en ordre de marche. Serait-ce là une survivance de son passé rebelle ? A la fin des années 1980, il fut l’un des principaux artisans de la création du FPR, alors organisation militaire, dans le maquis ougandais où il vivait en exil. C’est lui, grand homme austère, qui mena les troupes jusqu’à Kigali pour mettre un terme au génocide inspiré et perpétré en 1994 par le « Hutu Power » contre 800 000 Tutsi, sa communauté. Lui, donc, qui s’imposa progressivement à la tête du pays, jusqu’à conquérir la présidence, en 2000, pour ne plus la lâcher.
Machine de guerre électorale
En ce début d’été, il y a longtemps qu’il a remisé son uniforme de général en chef. Sur les scènes de ses meetings, il affiche dorénavant sa silhouette longiligne d’ascète en polo siglé « chairman », son surnom, et pantalon multipoche de trekking, casquette vissée sur la tête. Mais la même ferveur habite ce leader aux faux airs de moine-soldat. La même détermination et la même absence de doute sur sa mission. « Diriger les Rwandais, c’est tellement aisé, car les entraves sont vite dépassées, d’autant plus que le FPR nous facilite la tâche, en éliminant ce qui peut surgir comme obstacle », s’est-il exclamé, le 5 juillet, lors d’un meeting de campagne tenu dans le district de Kayonza, frontalier de la Tanzanie.
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