Au Rwanda, un système de soft power redoutablement efficace pour assurer la tranquillité du régime

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Petit pays enclavé au poids économique limité, le Rwanda, dont le président, Paul Kagame, devrait être réélu le 15 juillet lors d’une élection jouée d’avance, a su devenir un acteur incontournable pour plusieurs grandes puissances en Afrique, à commencer par la France.

Malgré le soutien militaire de Kigali à la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23) dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), documenté par les experts des Nations unies, les demandes de sanctions internationales réclamées par Kinshasa restent pour l’instant lettre morte. Et n’empêchent pas nombre de chancelleries occidentales, Paris en tête, de déployer d’importants efforts diplomatiques pour renforcer leur relation avec Kigali. « C’est un pôle de stabilité dans la région et sur le continent africain sur lequel la France compte s’appuyer pour sortir du pré carré de ses anciennes colonies », estime un diplomate français.

Comme l’illustre l’enquête « Rwanda Classified », menée par Le Monde et le collectif Forbidden Stories, le Rwanda a su se rendre indispensable à la communauté internationale en Afrique. Et le pays est devenu ce que les Anglo-Saxons appellent un « donor darling », autrement dit un « chouchou » des bailleurs de fonds qui apprécient la rentabilité de leurs investissements et la solvabilité de leur créancier.

« Rwanda Classified », une enquête sur le régime Kagame

L’enquête « Rwanda Classified », une investigation sur le régime de Paul Kagame, a mobilisé 50 journalistes de 17 médias dans 11 pays, coordonnés par le collectif Forbidden Stories. Partant de la mort suspecte du journaliste John Williams Ntwali à Kigali en janvier 2023, l’enquête s’attache à révéler la mécanique répressive mise en œuvre par le Rwanda, y compris hors de ses frontières, loin de l’image de pays modèle promue à l’étranger. Le 15 juillet, l’élection présidentielle rwandaise devrait reconduire Paul Kagame à la tête du pays pour un quatrième mandat, trente ans après le génocide de 1994.

Fin avril, soit quelques jours après la visite à l’Elysée du président congolais, Félix Tshisekedi, durant laquelle Emmanuel Macron a redemandé le retrait des militaires rwandais de RDC, la commission militaire mixte franco-rwandaise se réunissait à Paris pour faire le point sur la coopération sécuritaire entre les deux pays. « Une coopération modeste mais bien réelle dans le domaine de la formation », selon une source officielle française.

Statut de « pays sûr »

Sur le continent africain également le Rwanda est ménagé. Les organisations régionales – la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) ou la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) – ont certes envoyé, chacune à leur tour, des contingents armés censés pacifier les Kivus. Mais les premiers sont repartis au bout d’un an tandis que les seconds se déploient depuis janvier à reculons. Quant à l’Union africaine (UA), dont la présidence tournante est actuellement assurée par le chef de la République islamique de Mauritanie, Mohamed Ould Ghazouani, elle regarde ailleurs.

Le Rwanda semble fasciner davantage qu’il repousse. Le 11 mai, Bassirou Diomaye Faye, nouveau président du Sénégal, recevait son premier hôte étranger depuis son élection le 2 avril. Il n’était autre que Paul Kagame. Dans la foulée, le chef de l’Etat rwandais, dont la longévité au pouvoir depuis 1994 fait rêver plus d’un de ses pairs, s’envolait pour Conakry. Il y était reçu, là aussi, avec tous les honneurs, par le chef de la junte militaire, Mamadi Doumbouya. Ni au Sénégal ni en Guinée, il ne fut publiquement question de solidarité avec Kinshasa. Il y eut en revanche, à longueur d’articles de presse, des louanges sur les positions panafricanistes de Paul Kagame. Lui qui n’a pas renoncé à réveiller une Union africaine toujours léthargique ni à réformer son fonctionnement. Lui qui, souverainiste sourcilleux au regard d’acier, tient la dragée haute aux grands de ce monde.

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