Coups d’Etat, restrictions de visas, départs d’ONG… au Mali, au Niger et au Burkina Faso, la situation géopolitique a provoqué une réorganisation du trafic aérien, le départ d’Air France en 2023 étant d’abord comblé par les compagnies aériennes Turkish Airlines et Corsair.
Air France, principale compagnie aérienne entre l’Europe et l’Afrique, a suspendu le 7 août 2023 ses vols à destination de Bamako (7 vols par semaine), Ouagadougou (5 vols par semaine) et Niamey (4 vols par semaine) après la fermeture de l’espace aérien du Niger, théâtre d’un coup d’Etat le 26 juillet 2023. Le mois suivant, la France avait classé les capitales de ces trois pays en « zone rouge », des destinations qu’elle déconseille à ses ressortissants.
L’Administration fédérale de l’aviation civile américaine (ou FAA, pour Federal Aviation Administration) avait évoqué en février 2023 un « risque accru » pour les appareils commerciaux desservant ou survolant le Mali « à toutes les altitudes », en raison de l’installation de batteries de missiles antiaériens par le groupe russe de mercenaires Wagner.
« Les dessertes de ces trois destinations restent suspendues jusqu’à nouvel ordre » en raison de la situation géopolitique dans la région du Sahel, a répété Air France à l’Agence France-Presse (AFP), rappelant que « la sécurité de ses clients et de ses équipages est sa priorité absolue ».
Corsair et Turkish Airlines aux aguets
Selon le Guide officiel des compagnies aériennes (ou OAG, pour Official Airline Guide, en anglais), fournisseur britannique de données aériennes, l’absence d’Air France profite à Corsair au Mali et à Turkish Airlines au Niger et au Burkina Faso, « deux concurrents naturels », précise John Grant, analyste en chef à l’OAG. Le nombre de sièges programmés par Corsair était de 8 448 en juin, contre 3 204 en juin 2023, selon des données transmises par l’OAG à l’AFP.
Depuis l’été 2023, la compagnie qui assurait 3 vols hebdomadaires a doublé de fréquence avec 6 vols, explique à l’AFP Martine Haas, directrice commerciale de Corsair. « Corsair a pris la place d’Air France et est montée en puissance, souvent en vol direct sur la France ou en vol indirect en passant par Cotonou ou Abidjan », confirme Mme Haas.
Turkish Airlines a augmenté ses capacités au Burkina Faso, passant de 6 915 à 10 164 entre juin 2023 et juin 2024, selon l’OAG. Au Niger, les capacités sont passées de 2 164 à 3 684 au cours de la même période. Turkish Airlines « transportera plus de passagers en correspondance [à Istanbul] vers la France qu’avant la suspension des dessertes Air France », analyse John Grant.
Le marché s’est aussi « restructuré » avec Royal Air Maroc, qui « transporte beaucoup de passagers au départ de Bamako via Casablanca », estime la directrice commerciale de Corsair.
Prix stables, passagers en baisse
Les trois pays sahéliens sont en proie au djihadisme et ont connu une succession de coups d’Etat militaires. Les officiers qui les dirigent désormais ont rompu l’alliance historique avec la France, l’ancienne puissance coloniale, et se sont tournés vers la Russie et les paramilitaires de Wagner liés à Moscou.
Plusieurs ambassades et organiations non gouvernementales (ONG) se sont retirées de la région et les restrictions de visas entre la France et les trois pays sahéliens ont réduit les flux de voyageurs. « Avec les visas touristiques, il y avait auparavant un flux touristique qui n’existe plus aujourd’hui. Car les visas délivrés aux Maliens pour aller en France restent très contraints, mis à part des dérogations pour des personnes en mission, des étudiants ou des cas médicaux urgents », détaille Mme Haas.
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En retour, le Mali a appliqué la réciprocité. Même les Franco-Maliens sont contraints d’avoir un visa sur leurs passeports français, alors qu’avant ils pouvaient se rendre au Mali avec celui-ci et une pièce d’identité nationale malienne.
Les dernières données disponibles de l’Association internationale du transport aérien (IATA), transmises à l’AFP, font apparaître qu’au mois de mai, les flux de passagers au Mali et au Niger n’avaient toujours pas retrouvé leurs niveaux d’avant la suspension des vols d’Air France. Au Burkina Faso, les flux sont désormais supérieurs. Cependant, les prix des billets n’ont pas connu d’inflation particulière, selon des données de l’IATA.
Dernières nouvelles dans cette recomposition du paysage aérien : à la fin de juillet, le Mali a annoncé la création prochaine de Mali Airlines-SA, une nouvelle compagnie nationale. Et Air France arrêtera le 25 octobre ses liaisons directes avec Accra, la capitale ghanéenne ; une destination qu’elle desservait autrefois en circulaire avec Ouagadougou.