Au Sénégal, « 1776 », un film historique à valeur très politique

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La salle était comble, mardi 3 septembre, au cinéma Pathé de Dakar, pour l’avant-première du film 1776, Thierno Souleymane Baal et la révolution du Fouta. Le long métrage du réalisateur sénégalais Moe Sow, qui doit être diffusé en salles en octobre au Sénégal, et en novembre en Mauritanie, est un exercice de docufiction, entre reconstitutions et interviews d’historiens. Si les spectateurs sont repartis mitigés en raison de la qualité de la projection – une bobine du film non terminée a été diffusée par erreur – l’événement a eu un certain retentissement du fait de son propos, mais aussi de ses spectateurs.

Parmi eux, on pouvait ainsi apercevoir l’ancienne première ministre et actuelle représentante du président Bassirou Diomaye Faye, Aminata « Mimi » Touré, le conseiller mémoire du président, Dialo Diop, le député panafricaniste et anti-impérialiste Guy Marius Sagna… Le premier ministre Ousmane Sonko est quant à lui arrivé alors que le film était déjà en cours et la salle plongée dans le noir.

Son sujet est un épisode historique à forte valeur symbolique : la révolution dans le Fouta, terre de la communauté peule à cheval entre le Sénégal et la Mauritanie, aussi appelée « révolution Toorodo ». Menée par Thierno Souleymane Ball, lettré musulman, elle met un terme à l’insécurité dans la région, défait la dynastie locale et expulse du Fouta les esclavagistes, qu’ils soient blancs, maures, ou noirs. Surtout, elle débouche en 1776, avant donc les révolutions française ou haïtienne, sur la création de l’Almamiyat, une sorte de théocratie islamique prévoyant des garanties démocratiques. Adossée à une constitution écrite, la loi prévoit que le dirigeant soit choisi selon ses aptitudes, et ne puisse ni s’enrichir ni léguer son pouvoir à un fils ou à son clan. Une sorte de droit à l’insurrection, qui rappelle la Déclaration des droits de l’humain, est prévu.

« Une boussole politique » pour l’avenir

L’aspect politique du film ne pouvait échapper à personne et le député anti-impérialiste Guy Marius Sagna n’a pas manqué de réagir. Sur sa boucle de diffusion Whatsapp, ce dernier notait à la sortie du film : « Nous avons chez nous nos modèles qui n’ont rien à envier à personne », soulignant que cet épisode historique peut « constituer une boussole politique » pour aujourd’hui.

Dans son film, M. Sow retrace la geste épique de Thierno Souleymane Baal, conservant les aspects historiques, comme l’abolition d’une dîme payée sous la contrainte, et la part de mythe, comme lorsque les balles des fusils glissent sur le héros. Des intellectuels mauritaniens et sénégalais se succèdent à l’écran, comme l’historienne et ancienne ministre de la culture Penda Mbow, et émettent leurs hypothèses. Pour l’un, il faut voir cette révolution comme un fait démocratique qui inscrit le Sénégal dans une modernité globale, pour l’autre, celui-ci doit être analysé comme un phénomène islamique et abolitionniste…

« Ce que je voulais, c’était rétablir une vérité : nos sociétés n’ont pas attendu une modernité occidentale pour accoucher de systèmes politiques qui sont précurseurs de nos démocraties », explique M. Sow. Cheikh Tidiane Gadio, député, ancien ministre et descendant d’un dirigeant de l’Almamiyat, juge pour sa part qu’« il n’y a pas de doute qu’il y a une fierté qui s’exprime lors de la découverte par le grand public d’un événement comme la révolution Toorodo ».

Quelques intellectuels et historiens s’intéressent à cet épisode, et la star de la musique Baaba Maal, issue du Fouta, rend hommage à Thierno Souleymane Baal, le leader de la révolution, dans son titre Muudo Hormo. La révolution Toorodo demeure cependant assez méconnue au Sénégal. Elle est absente des livres scolaires. Ousmane Kane, président de l’Association Thierno Souleymane Baal, a appelé lors de la soirée d’avant-première à « célébrer nos héros » et proposé qu’une statue du combattant, « devant qui les fauves perdaient leur énergie », soit érigée à Dakar. La veille, les équipes du film et l’association avaient rencontré le ministre de l’éducation Moustapha Mamba Guirassy, qui s’est engagé à diffuser le film dans des écoles du pays.

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