Au Sénégal, Bassirou Diomaye Faye impose un nouveau style présidentiel

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Une sobriété qui, volontairement, ne passe pas inaperçue. De retour d’une visite « de travail et d’amitié » en Côte d’Ivoire, mardi 7 mai, le nouveau président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a foulé le tarmac de l’aéroport Léopold-Sédar-Senghor de Dakar sans le traditionnel accueil protocolaire réservé aux chefs de l’Etat. Le 30 avril, le jeune dirigeant a décidé de supprimer le dispositif qui imposait la mobilisation des hautes autorités de la République, afin de ne pas voir ses ministres ou le patron de la gendarmerie « perdre une demi-journée de travail », selon la présidence.

Symbolique, le geste va dans le sens de la rationalisation du fonctionnement de l’Etat promis par le successeur de Macky Sall. Ce nouveau style de gouvernance porté par Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, son premier ministre, se traduit pour le moment essentiellement dans la communication du duo exécutif. Une image soignée jusque sur les terrains de basket, où le président s’est affiché dimanche 12 mai avec son homologue rwandais, Paul Kagame, arrivé à Dakar la veille pour une visite officielle.

Depuis l’entrée en fonction du nouvel exécutif sénégalais, des annonces ont été faites pour auditer les secteurs de la pêche et de l’immobilier. Mais les mesures les plus attendues concernent la hausse des prix des produits de première nécessité. Un plan d’urgence contre la vie chère doit voir le jour avant le 15 mai.

Une « visite surprise » très médiatisée

D’ici là, c’est surtout sur la forme que Bassirou Diomaye Faye se distingue. Quelques jours après sa décision de faire arrêter les chantiers en cours sur la corniche de Dakar, le chef de l’Etat a fait une « visite surprise » – mais très médiatisée –, le 1er mai, sur le site du lotissement Mbour 4, à la périphérie de la ville de Thiès (à 60 km à l’est de Dakar), afin, explique la présidence, de « résoudre les problèmes complexes liés aux litiges fonciers ».

La volonté de transparence s’est aussi traduite par la publication de rapports de la Cour des comptes, de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) ou encore de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) dont la diffusion avait été suspendue par l’administration de Macky Sall. Rédigés au cours des cinq dernières années, ils recensent des malversations, des détournements de deniers publics ou des surfacturations, notamment au sein du ministère de la santé durant la crise du Covid-19 ou dans la gestion des kits de dialyse pris en charge par l’Etat.

Le précédent gouvernement « ne voulait pas que ces rapports éclaboussent la coalition au pouvoir durant les campagnes des élections locales et législatives de 2022, puis de la présidentielle de 2024 », présume Mamadou Mignane Diouf, coordonnateur du Forum social sénégalais : « Le nouveau régime, lui, veut en profiter pour renforcer le sentiment de confiance alors qu’il dit vouloir rompre avec la corruption. » Reste à savoir quelles seront les suites administratives et juridiques données à ces révélations.

Il s’agit, pour l egouvernement, de montrer l’exemple. Ousmane Sonko a ainsi donné un mois aux membres du gouvernement à partir de leur nomination, le 5 avril, pour démissionner de leurs mandats électifs. Il a lui-même quitté ses fonctions de maire de Ziguinchor, qu’il occupait depuis janvier 2022. Birame Souleye Diop, ministre de l’énergie, a démissionné de son poste à la mairie de Thiès-Nord.

« Des mesures symboliques disparates »

« La rupture se matérialise aussi dans la façon dont le nouveau gouvernement a voulu imposer un rythme de travail au niveau de l’administration publique, avec le pointage biométrique journalier, matin et soir, des fonctionnaires », note Papa Fara Diallo, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis.

Mais la volonté affichée d’ordre et de transparence a ses limites. Le programme des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), le parti cofondé par Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, prévoyait d’instaurer des appels à candidature pour les postes à la direction générale des agences et sociétés publiques. Ils ont finalement été attribués à l’issue de différents conseils des ministres et sont très largement revenus aux proches du président et de son premier ministre.

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« Bassirou Diomaye Faye se confronte à l’exercice du pouvoir : il n’existe pour le moment pas de cadre légal pour faire un appel à candidature pour les postes clés au niveau de la haute administration. Il y a besoin d’une réforme au sein du Parlement », justifie Papa Fara Diallo, qui pointe les limites de cette nouvelle gouvernance : « Les autorités ont ouvert plusieurs fronts en même temps et s’éparpillent. Elles auraient peut-être dû choisir leurs batailles. Ces mesures symboliques disparates risquent de relever surtout de l’effet d’annonce. »

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