« Au Soudan, les armes traversent plus facilement les frontières que l’aide humanitaire »

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A l’heure où un nouveau ministre des Affaires étrangères a été nommé, les parlementaires que nous sommes, engagés dans la défense du peuple soudanais, victime de la guerre acharnée que se livrent les forces rebelles paramilitaires et l’armée soudanaise pour conquérir ou conserver le pouvoir au Soudan, félicitons le nouveau locataire du Quai d’Orsay mais l’alertons sur la nécessité de renforcer l’influence de la France sur les conflits armés en cours dans le monde et en particulier sur la guerre civile soudanaise.

La France a témoigné à plusieurs reprises de son soutien au peuple soudanais depuis la révolution courageuse qu’il a menée en 2019 pour mettre fin à la dictature et ouvrir la voie à une transition démocratique de son pays. Quelques mois à peine après cette révolution, le président de la République française a reçu à Paris le premier ministre soudanais et s’est engagé à apporter au Soudan une aide à la transition démocratique et au redressement économique du pays. Puis, en 2021, la France a organisé une conférence internationale de chefs d’Etat et de gouvernement en appui à la transition démocratique du Soudan, qui a marqué le retour de ce pays dans la communauté des nations.

Si l’éclatement du conflit en avril 2023 a malheureusement anéanti les espoirs de transition démocratique du Soudan (temporairement, espérons-le), la France n’a pas tari son soutien à la population soudanaise. Paris a notamment accueilli la dernière conférence humanitaire internationale pour le Soudan et sa région, qui a permis de lever 2 milliards d’euros d’engagement d’aide humanitaire pour sa population.

Douze millions de déplacés

Mais la France, accompagnée de ses voisins européens, doit absolument poursuivre ses efforts car le conflit ne perd pas de son intensité et enfonce le Soudan dans une grave crise humanitaire. Alors que l’on fait état de plus de 20 000 morts, de 12 millions de déplacés et de l’installation d’une famine au Darfour du Nord, l’aide humanitaire ne parvient pas aux populations qui en ont le plus besoin.

Son acheminement est empêché par les inondations, les blocages de livraison organisés par les deux belligérants et la menace d’attaques contre les ponts aériens, les deux camps étant désormais en possession de drones et de missiles.

Il est, en effet, documenté que de nombreuses armes étrangères circulent au Soudan y compris au Darfour où un embargo sur les armes est pourtant en vigueur depuis 2004 et vient d’être renouvelé par le Conseil de sécurité des Nations unies.

Amnesty International a, par exemple, révélé cet été que des armes et des munitions récemment fabriquées, en provenance de Chine, des Emirats arabes unis, de Russie, de Serbie, de Turquie et du Yémen, avaient été identifiées dans les vidéos filmées par les deux parties en conflit. Les armes importées sont souvent des armes civiles, théoriquement destinées aux chasseurs ou aux tireurs, ou des armes à blanc qui sont ensuite facilement converties en armes létales au Soudan. Mais il peut s’agir aussi de véhicules blindés de transport de troupes livrés, par exemple, par les Emirats arabes unis aux Forces de soutien rapide.

Protéger les demandeurs d’asile

En apportant une précieuse aide logistique aux belligérants, ces industriels et exportateurs d’armes prolongent la durée du conflit et alimentent les souffrances des Soudanais. Il est donc indispensable que la France et ses partenaires européens fassent pression sur les pays concernés pour couper les ressources des deux camps.

Cette tâche revient notamment au nouveau ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qui devra œuvrer, en coordination avec le président de la République, à faire davantage entendre la voix de la France pour que les intérêts de la population civile soudanaise résonnent enfin sur la scène internationale.

En tant que membres des groupes d’amitié franco-soudanais à l’Assemblée nationale et au Sénat, nous serons mobilisés pour accompagner les travaux du ministère, notamment à travers notre mission de contrôle du gouvernement. Nos attentes sont fortes car les besoins des Soudanais sont immenses !

Nous veillerons particulièrement à ce que la France respecte ses engagements financiers à l’égard des Soudanais et les poursuive en 2025. Nous espérons également que notre pays protégera les demandeurs d’asile soudanais en particulier masalit, ceux-ci étant victimes (avec d’autres communautés non-arabes) de nettoyage ethnique au Darfour, selon Human Rights Watch, orchestré par les forces rebelles paramilitaires.

Embargo sur les armes

Nous appelons aussi notre diplomatie à faire usage de toute son influence à l’ONU pour obtenir, dans les mois à venir, l’extension à tout le territoire soudanais de l’embargo sur les armes, le renforcement des moyens de la mission d’établissement des faits du Conseil des droits de l’homme ainsi que la mise en place d’actions en faveur de la protection des civils et du patrimoine soudanais.

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Comme le disait la militante soudanaise Alaa Salah : « La balle ne tue pas, ce qui tue, c’est le silence de l’homme. » Notre pays ne doit jamais être acteur ou complice du silence de la communauté internationale sur ce conflit.

La France doit agir pour que les 47 millions de Soudanais ne se sentent plus abandonnés et livrés à eux-mêmes, pour qu’ils puissent survivre et retrouver l’espoir d’un avenir décent. Il faut éviter que la Corne de l’Afrique ne soit entièrement déstabilisée par ce conflit, éviter que des communautés entières ne disparaissent à jamais de notre monde et que l’histoire du Soudan ne se résume par une succession d’extrêmes violences et de génocides.

Ne laissons plus la population civile soudanaise être détruite par ses propres dirigeants mais aidons-la à obtenir « liberté, paix et justice », comme le scandaient ses manifestants en 2019 !

Signataires : Colombe Brossel, sénatrice de Paris, présidente déléguée pour le Soudan du groupe d’amitié France-pays de la Corne de l’Afrique ; Christophe Marion, député de Loir-et-Cher, président sortant du groupe d’amitié France-Soudan et Hugues Saury, sénateur du Loiret, président du groupe d’amitié France-pays de la Corne de l’Afrique.

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