
Tout est affaire de perspective. Denis Kessler, le président de Scor, a beau jeu de souligner l’incroyable stabilité managériale du réassureur, qui n’a connu qu’un PDG en dix-neuf ans : lui. Pourtant, depuis que le patron emblématique a abandonné la direction générale, le 30 juin 2021, c’est une autre paire de manches.
Thierry Léger, le Franco-Suisse qui prendra les commandes le 1er mai, s’avère être le troisième successeur de M. Kessler adoubé en deux ans et demi par le conseil d’administration de Scor. Un mauvais point aux yeux de l’agence de notation américaine Moody’s, qui a dégradé, vendredi 3 février, la note de crédit du réassureur. Pour elle, ce flottement met la nouvelle direction sous une pression accrue, qui « augmente les risques d’exécution dans la mise en œuvre d’un nouveau plan stratégique ».
M. Kessler, 70 ans, n’est pas la première figure patronale dont le plan de succession connaît des ratés. De Jean-Louis Beffa à Pierre Fabre, nombre de grands caïmans du capitalisme français ont eu une fâcheuse tendance à croquer du dauphin. Difficile pour certains de passer la main, tant ils s’identifient à leur entreprise.
L’ancien professeur d’économie s’en défend. « La seule chose qui m’anime, c’est de m’assurer que l’entreprise à laquelle j’ai consacré la moitié de ma vie professionnelle croisse et embellisse en restant indépendante, assure celui dont le mandat de président s’achèvera, en mai 2024, lors de l’assemblée générale. Je veux partir en laissant une entreprise en bon ordre. » Une conviction d’autant plus ancrée que l’ancien numéro deux du Medef est le redresseur de cette institution financière au bord du gouffre il y a vingt ans. Appelé à la rescousse un dimanche de Toussaint, en novembre 2002, M. Kesssler en a fait un numéro quatre mondial.
Surprise
La réassurance, c’est un drôle de métier. Il consiste à prendre les risques dont les assureurs eux-mêmes veulent se débarrasser, parce qu’ils les jugent trop aléatoires, trop lourds, trop complexes. Cela nécessite une sacrée expertise pour modéliser correctement l’allongement de la durée de vie ou la survenance des tremblements de terre et éviter de se retrouver avec des sinistres à tous les étages.
D’où la surprise, lorsque le conseil d’administration de Scor annonce, le 16 décembre 2020, que Benoît Ribadeau-Dumas, ancien directeur du cabinet d’Edouard Philippe à Matignon, venu de l’industrie, va devenir directeur général, « à l’issue de l’assemblée générale annuelle de 2022 ». En vérité, derrière l’unanimité de façade, le « board » était partagé. Environ la moitié des administrateurs avaient soutenu l’autre finaliste, Frédéric de Courtois, alors chez l’assureur italien Generali.
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