La question peut paraître anecdotique. Elle est pourtant cruciale tant les rapports de force entre les pays alliés de Kiev tiennent à la réputation de leurs dirigeants, et au degré de confiance qu’ils ont l’un envers l’autre. Le président ukrainien lui-même, Volodymyr Zelensky, incarnation de la résistance de son peuple face à l’invasion russe déclenchée voici bientôt un an, a d’ailleurs son avis sur le sujet.
Interrogé le 8 février au soir par Le Figaro et l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, il a répondu sans ambages à propos de son homologue français : « Je crois qu’il a changé. Et qu’il a changé pour de vrai cette fois. »
En quelques mots ciselés, la réponse a suscité le discret agacement de l’Elysée, d’autant plus que l’entretien est apparu en ligne, au moment même où le chef d’Etat ukrainien était attendu à Paris, après avoir été reçu en grande pompe à Londres, et avant de participer au conseil européen convoqué le lendemain à Bruxelles.
« Tout le monde a changé, à commencer par le président Zelensky, qui n’est plus le même qu’avant la guerre », expliquait un diplomate français, au lendemain de ces retrouvailles. Certes, mais jamais Volodymyr Zelensky n’a fait ce genre de commentaire à l’égard de son autoproclamé « meilleur allié » Boris Johnson, l’ancien premier ministre britannique. Ni à propos de Joe Biden, le président des Etats-Unis, sans qui l’Ukraine, toute mobilisée qu’elle est pour résister à l’envahisseur russe, aurait été rayée de la carte des Etats indépendants.
Jouer les médiateurs
La saillie donne à la fois une idée de l’étroitesse et de l’ambiguïté des liens tissés entre le chef d’Etat ukrainien et son homologue français, avant comme après le début de l’invasion russe, le 24 février 2022. Si Emmanuel Macron a, au fil des mois, affirmé de manière de plus en plus nette son soutien à l’Ukraine, jusqu’à sa « victoire » – un mot que le chancelier Olaf Scholz ne reprend pas à son compte –, la France reste l’un des piliers du camp des « modérés », contre les « va-t-en-guerre » européens, dixit M. Macron, ces pays en première ligne soucieux de défaire la Russie par les armes, afin de susciter, dans l’idéal, un changement de régime à Moscou. Sur ce point-là, Emmanuel Macron n’a pas vraiment changé, et rêve encore de jouer les médiateurs.
Si les appels téléphoniques à Vladimir Poutine se sont faits rares – le dernier remonte à septembre –, la volonté assumée du chef de l’Etat français de parler à son homologue russe tranche avec l’attitude de Joe Biden, qui s’est refusé à tout contact direct avec le chef du Kremlin depuis le début des hostilités. Londres et une bonne partie des capitales d’Europe centrale, baltes ou scandinaves considèrent désormais que Poutine est davantage un criminel de guerre, après les massacres perpétrés par ses troupes contre les populations civiles, qu’un interlocuteur fiable.
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