Congost de Mont-Rebei, un poème géologique

La route qu’il faut emprunter avant d’arriver au congost (« défilé rocheux », en catalan) de Mont-Rebei, niché dans la sierra de Montsec, en Espagne, donne le la : on suit un long défilé entre Viella et Puente de Montañana qui fait voyager tantôt en Aragon, tantôt en Catalogne. On roule sur le fil de la frontière en passant d’une région à une autre, d’un bienvenidos à un benvingut se succédant sur les panneaux de signalisation. Se hasarder dans ce paysage spectaculaire et émouvant, c’est apprivoiser cette ritournelle, ce va-et-vient, même si on perd parfois un peu le nord. « Nous sommes proches entre Catalans et Aragonais, ici la barrière linguistique et culturelle est poreuse », précise Toni Nievas, le responsable de la réserve du congost de Mont-Rebei.

Une fois arrivés au parking de la Masieta, terminus du trajet en voiture, on n’oublie pas de glisser un maillot et une vieille paire de baskets dans son sac à dos avant de s’aventurer quelques jours au cœur de ce défilé rocheux sculpté par l’impétueuse rivière Noguera Ribagorzana, dessinant la frontière entre l’Aragon et la Catalogne. Un poème géologique tant il est facile d’imaginer la main d’un démiurge qui se serait amusé à tailler en deux l’impressionnante paroi calcaire ocre et orangée de 500 mètres avec, côté aragonais, la sierra du Montsec de l’Estall et, côté catalan, celle d’Ares.

Les sentiers de randonnées sont parfois creusés dans la falaise comme ici, sur la rive catalane du congost de Mont-Rebei.

Ne cherchez pas de bitume dans ce monde isolé et dépeuplé, il n’y en a jamais eu. Ni de lignes électriques par ailleurs. « Cette partie des Pyrénées est très enclavée, les derniers habitants sont partis dans les années 1960. La plupart des villages sont en ruine », précise Toni Nievas. Le dernier des Mohicans s’appelait Santiago Pena, il vécut seul pendant vingt-cinq ans à l’Estall, un village qui abritait autrefois onze maisons et une centaine d’habitants.

Au siècle dernier, il a fallu attendre les années 1920 pour que se dessine au fond des gorges un sentier et un pont en pierres, avant d’être inondés par l’immense retenue d’eau du barrage de Canelles, mis en service en 1960. Le nouveau chemin du congost de Mont-Rebei est inauguré en 1982, une partie est creusée dans la paroi sur la rive catalane, il permet de relier les différents villages du Nord et du Sud. Mais ce n’est qu’en 2013 que la liaison entre la Catalogne et l’Aragon est rétablie, grâce aux passerelles aériennes sur le versant aragonais et au pont suspendu de Seguer, un ouvrage de 36 mètres de long.

Les passerelles aragonaises à flanc de falaise de Montfalcó.

Il faut emprunter ce chemin spectaculaire pour rejoindre l’auberge de Montfalco. Un long sentier semé de curiosités et d’installations vertigineuses permettant de longer et de traverser le congost. Au creux de la paroi, on apprécie d’autant plus la dimension démesurée des lieux. Passé cette belle entaille, le sentier devient plus facile avant de s’aventurer sur le pont suspendu de Seguer.

Il vous reste 63.22% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Source