Dans l’atelier de… Jaime Hayon, l’hymne à la joie

Un immeuble Art nouveau aux hauts plafonds décorés de moulures et aux sols carrelés d’une mosaïque multicolore. C’est à Valence en Espagne, non loin de la gare centrale et des arènes que, sous un soleil intrépide de février, le designer Jaime Hayon nous reçoit. « Ici, c’est chez moi, mais c’est là que je travaille puisque mes dessins sont à la base de tout. Le bureau n’est pas un endroit inspirant », assène-t-il dans un français quasi parfait, tout en préparant un café filtre avec un mélange rapporté de Suisse, en même temps que de goûteux chocolats.

Dans le double salon côté rue, des croquis crayonnés en couleurs trônent sur la table sous un lustre en papier orné d’une tête à Toto qui rigole, le tout flanqué d’un bahut laqué au plateau de marbre qu’il a lui-même dessiné et sur lequel reposent deux vases, le Showtime, robot de porcelaine pour BD Barcelona, et le Maestro aux anses façon oreilles de lapin, pour Bosa. Jaime Hayon vit dans ses meubles et dans son monde. Un univers chaleureux, ludique et humoristique à l’image du créateur de 49 ans aux faux airs de Charlie Chaplin, enjoué et monté sur ressort.

Jaime Hayon dans son atelier de peinture, à Valence (Espagne).

Dans cet espace lumineux, on peut voir une explosion harmonieuse de couleurs orchestrée sur le mur par un tableau que Jaime Hayon a commandé à une compatriote installée en Californie, l’artiste Pepa Prieto. En dessous, ses propres créations jouent une sarabande folâtre, du sofa (pour Artflex) où repose sa guitare sèche au fauteuil Ro (Fritz Hansen), de la table basse laquée rouge aux multiples plateaux (&Tradition) au tapis habité par d’étranges animaux (Nanimarquina Edition). Le fauteuil vintage au damier noir et blanc de Josef Hoffmann semble arbitrer la scène de ce petit théâtre : « il date de 1920 et regardez comme il est contemporain : voilà à mes yeux le plus grand designer de tous les temps », lâche Jaime Hayon.

On le surnomme l’Almodovar du design. « Peut être, avance-t-il, à cause de l’Espagne, la couleur, le surréalisme, l’internationalité ! » Certes, l’univers de Jaime Hayon est flamboyant, fantaisiste et l’homme parle plusieurs langues, avatar de ses différentes vies. Nombre de marques de tous pays sont tombées sous le charme de ses créations exubérantes, comme une échappatoire à un monde du design devenu lisse : outre les Danois Fritz Hansen ou & Tradition, voilà les Italiens Magis et Bisazza, le Néerlandais Moooi, les Français Baccarat, Ruinard, Maison Matisse ou la galerie Kreo, et parmi les Espagnols, BD Barcelona et jusqu’à la marque d’habillement Zara. Le créateur incarne comme une frénésie créative, à la manière de la Movida, ce mouvement culturel qui a surgi après la mort du général Franco, au début des années 1980, à Madrid.

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