Le tableau accroché au mur de planches de la cabane-bureau de René Munguiko Kajabor résume la détresse humaine et le dénuement dans lequel survivent, à Goma et ses environs, plusieurs centaines de milliers de personnes déplacées par les violences dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Il y a là quelques données de base qu’il a soigneusement inscrites de son écriture soignée d’instituteur : « Site de Lwashi – Date de création : 12/02/2024 – Nombre d’individus : 29 029 – Portes de latrines fonctionnelles : 404 – Besoin en latrines : 179 – Besoin de vidange : 94 – m3 d’eau par jour : 70 – Besoin en eau : 365 m3/j. »
Le camp est une vaste étendue de minuscules abris, bâchés, posés à la hâte sur un sol noir volcanique rugueux, ingrat, impossible à creuser. Il a surgi en février. Une vague de familles a échoué là, fuyant l’avancée du Mouvement du 23-Mars (M23), un groupe rebelle soutenu par Kigali, dans le territoire de Masisi, dans l’ouest de la province du Nord-Kivu, frontalière du Rwanda et de l’Ouganda. Lwashi est le dernier site de déplacés apparu. Il y en a bien d’autres dont la formation, par sédimentation humaine et miséreuse, répond à une loi des flux. Il en est des gens comme de l’eau.
Les vagues de déplacement viennent mourir aux environs de Goma après avoir contourné le volcan aride et dépeuplé de Nyiragongo, culminant à 3 470 m. A l’est du massif, au nord du cimetière de la ville, les camps de Kibumba et Kanyaruchinya sont, à chaque poussée de fièvre rebelle – récurrente depuis trente ans –, le refuge des habitants chassés du Rutshuru. Territoire exposé car frontalier de l’Ouganda et du Rwanda, il fut le premier conquis lors de la dernière offensive, lancée en novembre 2021.
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