
Le gouvernement russe a mis en place un réseau d’au moins quarante-trois camps fermés où plus de 6 000 mineurs ukrainiens vivent depuis des semaines, voire des mois, coupés de leurs parents et soumis à des programmes d’endoctrinement prorusses, selon un rapport publié, mardi 14 février, par l’Observatoire des conflits, un groupe de recherche indépendant financé par le département d’Etat américain. Piloté par une équipe de chercheurs de l’université Yale, qui a travaillé à partir de sources ouvertes, le document retrace avec précision le parcours de ces enfants disséminés à travers tout le territoire de la Fédération de Russie, jusqu’en Extrême-Orient.
Intitulé « Programme systématique de la Russie pour la rééducation et l’adoption des enfants ukrainiens », il établit « l’échelle, la chaîne de commandement, la complexité logistique et soigneusement orchestrée », selon Nathaniel Raymond, directeur exécutif du Humanitarian Research Lab de Yale. « Dans certains cas, il y a des programmes d’adoption ; dans d’autres, il s’agit de camps de rééducation dont les enfants ne reviennent pas. » Ce système, auquel sont soumis les mineurs sans le consentement de leurs parents, s’apparente à un crime de guerre, dénoncent les chercheurs.
Leur rapport constitue l’enquête la plus approfondie d’un phénomène dénoncé depuis plusieurs mois par l’Ukraine et par certaines ONG. En novembre 2022, Amnesty International avait ainsi alerté sur le « transfert forcé et la déportation de civils des zones occupées de l’Ukraine par les autorités russes, dans ce qui s’apparente à des crimes de guerre et probablement à des crimes contre l’humanité ». L’ONG notait déjà que « des enfants sont séparés de leur famille après un transfert forcé » et « éprouvent des difficultés à quitter la Russie ».
Crise démographique
La convention de Genève établit des directives juridiques spécifiques au traitement des enfants séparés de leurs proches lors d’un conflit. Les membres de la famille doivent pouvoir communiquer entre eux, les enfants séparés doivent être identifiés, et leur évacuation temporaire doit se faire vers un Etat neutre, avec le consentement de leurs parents.
Le rapport de Yale démontre que la déportation de mineurs ukrainiens en Russie a débuté quelques jours avant l’invasion du territoire par les troupes russes. « Début février 2022, un groupe de cinq cents orphelins a été évacué de la région de Donetsk vers la Russie. La raison donnée à l’époque était une prétendue menace d’offensive ukrainienne », lit-on dans le document. Certains de ces enfants ukrainiens ont ensuite été adoptés par des familles russes.
Il vous reste 57.9% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.