Dans le centre-ville de Monastir, ville côtière de l’est de la Tunisie, Zouhair Maghzaoui ne passe pas inaperçu. L’ancien député et leader du parti panarabe Mouvement du peuple, candidat à l’élection présidentielle du 6 octobre, déambule au milieu du marché, entouré de son équipe et de quelques policiers chargés de sa sécurité, lorsqu’une femme l’interpelle. « Comment je fais pour nourrir mes trois enfants sans clients ? », implore-t-elle en montrant son cabinet médical, dissimulé derrière les étalages de vêtements de seconde main qui masquent sa devanture et ont fait chuter sa fréquentation. « L’Etat doit s’en charger ! », lui répond M. Maghzaoui, sans donner davantage de précisions.
« Les Tunisiens sont face à un choix : rester dans cette situation absurde dans laquelle se trouve le pays, où il y a beaucoup de discours mais pas de réalisations, ou se présenter aux urnes en masse et choisir l’action », explique-t-il au Monde. Soutien du processus politique par lequel le président Kaïs Saïed s’est approprié les pleins pouvoirs depuis son « coup de force », le 25 juillet 2021, il a pris tardivement ses distances avec le chef de l’Etat dont le parcours s’est, selon lui, « transformé de rêve pour le peuple tunisien en processus dictatorial ».
« On voit la peur chez les gens »
Seul candidat en liberté opposé au président sortant – Ayachi Zammel, le troisième candidat retenu par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), a été arrêté début septembre pour « falsification de parrainages » et condamné à douze ans de prison le 1er octobre –, Zouhair Maghzaoui a parcouru « presque » tous les gouvernorats du pays pour mobiliser l’électorat, malgré les obstacles. « Partout on voit de la peur chez les gens, observe un membre de son équipe de campagne. Il y en a beaucoup, y compris des personnalités publiques, qui nous soutiennent mais craignent d’avoir des problèmes après les élections. »
Pour s’assurer qu’il ne dépasse pas le budget réglementaire de 150 000 dinars (environ 45 000 euros) pour la campagne, l’ISIE, qui suit le candidat sur le terrain, comptabilise chacune de ses dépenses. « Et si on dépasse, c’est la prison », indique la source précédemment citée. Malgré ces contraintes, Zouhair Maghzaoui est décidé à maintenir sa candidature. « Ils veulent imposer un président qui n’a rien réalisé mais on a quand même décidé d’aller aux urnes », assure le candidat.
Ces dernières semaines, la campagne présidentielle a été marquée par plusieurs rebondissements. Le 10 août, seules trois candidatures avaient été validées par l’ISIE, qui a ensuite refusé de réintégrer trois autres candidats malgré des décisions de justice en leur faveur. Le 27 septembre, à peine plus d’une semaine avant le scrutin, le Parlement a modifié la loi électorale, retirant au tribunal administratif la compétence de trancher les contentieux électoraux, une réforme de dernière minute vivement critiquée par les partis d’opposition et plusieurs organisations de la société civile.
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