deux ans après l’accord de paix, le Tigré reste sous tension

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Plusieurs centaines de milliers de morts, plus de vingt milliards de dollars de dégâts estimés, plus d’un million de déplacés : deux ans après la fin d’un conflit qui a ravagé le Tigré, où en est la région ? Où en est l’accord de paix entre le gouvernement fédéral éthiopien et les rebelles tigréens, signé le 2 novembre 2022, à Pretoria (Afrique du Sud) pour mettre fin à un conflit qui a ensanglanté pendant deux ans cette région du nord de l’Ethiopie ?

« Les combats ont pris fin, cela a été une étape cruciale pour faire taire les armes » définitivement, assure Bizuneh Getachew, professeur en politique comparée à l’université Queen’s de Belfast. Mais « la situation complexe du conflit ne peut être résolue par cet accord, qui était vague », pointe Jonah Wedekind, de l’institut allemand Arnold-Bergstraesser. De plus, des belligérants ayant combattu aux côtés des forces fédérales, comme les milices amhara ou l’armée érythréenne, n’avaient pas été conviés à Pretoria.

Et si le texte prévoyait notamment le « retrait des forces étrangères », référence implicite aux forces érythréennes, ces dernières sont toujours présentes. Mehdi Labzaé, spécialiste de l’Ethiopie au CNRS, estime que leur maintien constitue une « menace pour la paix et les populations qui vivent dans des endroits sous occupation ». A Irob, notamment, « l’Érythrée a complètement annexé la majorité du woreda [district] », explique-t-il.

L’accord de paix prévoyait aussi la démobilisation des Forces de défense du Tigré (TDF). « Mais cela est très difficile à mettre en place, il y a un manque de confiance entre les forces fédérales et les TDF », souligne Jonah Wedekind.

« L’aide n’arrive pas en quantité suffisante »

Durant la guerre, au moins 600 000 personnes ont été tuées, selon une estimation de l’envoyé de l’Union africaine pour la Corne de l’Afrique, Olusegun Obasanjo. Les autorités fédérales avaient bloqué toute aide humanitaire à la région et suspendu les services bancaires, les télécommunications et les liaisons aériennes. Selon l’agence humanitaire de l’ONU, plus d’un million de personnes n’ont toujours pas pu rentrer chez elles, deux ans après la fin du conflit. « Une bombe à retardement » pour les autorités locales, met en garde Jonah Wedekind.

Pour Magnus Taylor, directeur adjoint chargé de la Corne de l’Afrique pour l’ONG International Crisis Group, le Tigré est « une région instable en ce moment, avec des zones contestées, une guerre au Soudan frontalier et des tensions entre Asmara [la capitale érythréenne] et Addis-Abeba ».

« La situation humanitaire est meilleure qu’au début de l’année 2024, mais elle reste toujours très difficile », affirme Mehdi Labzaé, soulignant que « l’aide n’arrive pas en quantité suffisante, notamment dans les très nombreux sites de déplacés de l’ouest du Tigré ». Durant le conflit, de nombreuses infrastructures, notamment des hôpitaux, ont été détruites. Les autorités éthiopiennes, exsangues financièrement, ont estimé à 20 milliards de dollars (environ 18,5 milliards d’euros) le coût de la reconstruction.

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La situation reste sous tension dans la région en raison de conflits internes au sein du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), le parti membre de la coalition au pouvoir en Ethiopie pendant près de trois décennies, qui s’est retrouvé marginalisé après l’arrivée au pouvoir en 2018 du Premier ministre Abiy Ahmed. Après des mois de tension, le chef du gouvernement a envoyé l’armée au Tigré pour déloger les dirigeants du TPLF, accusant les forces tigréennes d’avoir attaqué des bases militaires fédérales, ce qui a provoqué le début de la guerre.

Après l’accord de Pretoria, une administration intérimaire, validée par le gouvernement fédéral, a été mise en place avec à sa tête Getachew Reda, porte-parole du TPLF et ancien ministre de la communication, avant l’arrivée au pouvoir d’Abiy Ahmed. Mais, ces derniers mois, des tensions sont apparues entre M. Reda et Debretsion Gebremichael, le chef du TPLF.

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« C’est une crise différente des précédentes, au sens où on peine à identifier les oppositions idéologiques et que l’on a l’impression qu’ils se battent surtout pour des questions de personnes », souligne Mehdi Labzaé. « Si les deux factions du TPLF commencent à se disputer le pouvoir, la situation peut devenir violente », craint Bizuneh Getachew.

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Dans ce contexte tendu, la position des TDF en cas de conflit ouvert au sein du TPLF est au centre de toutes les attentions. « Les forces armées tigréennes cherchent à apparaître neutres dans cette situation, donc un conflit au sein du parti semble peu probable en ce moment », veut cependant croire Magnus Taylor.

Le Monde avec AFP

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