En Afghanistan, les talibans traversent leur première crise de régime

Le ministre afghan de l’intérieur, Sirajuddin Haqqani, à Kaboul, le 28 avril 2022.

Il règne une ambiance de révolution de palais au sein de la théocratie afghane. Dix-huit mois après le retour au pouvoir des nouveaux maîtres de Kaboul, l’Afghanistan bruisse de tensions entre deux camps, celui du chef suprême du mouvement islamiste, l’émir Haibatullah Akhundzada ; et celui des ministres de l’intérieur, Sirajuddin Haqqani, leader du réseau éponyme, et de la défense, le mollah Yaqoub, fils de la figure historique talibane, le mollah Omar. La ligne de partage passe entre les premiers, fidèles à l’émir, qui ne voient de salut que dans l’application rigoriste de la lecture du Coran ; et les seconds, qui pensent que le régime ne peut pas survivre sans dialoguer avec l’étranger en faisant des compromis.

Comme dans tout pays totalitaire, rien n’est dit ni confirmé. Officiellement, le mouvement est uni comme jamais. Mais en coulisse, les rares organisations internationales présentes à Kaboul, confortées par des confidences de membres du gouvernement recueillies par des diplomates étrangers, tiennent pour acquis que la gouvernance talibane connaît sa première crise. La fin des vacances scolaires, en mars, et donc la réponse à la question, toujours pendante, du retour des jeunes filles à l’école et à l’université permettra de prendre la mesure des divergences. On saura alors si le régime choisit, ou non, la voie du compromis.

Selon un cadre des Nations unies (ONU) à Kaboul, qui a requis l’anonymat, la scission entre les deux camps s’est cristallisée par la décision prise « à la fin de janvier, au début de février », par le chef des talibans de créer un conseil national de sécurité qui pourrait être dirigé par l’un de ses fidèles, Ibrahim Sadr, un ex-commandant militaire taliban, qui fut, très peu de temps, le premier ministre de l’intérieur du régime, avant Sirajuddin Haqqani. Là encore, aucune communication officielle n’a été faite à ce sujet. Il faut se fier aux dires de diplomates étrangers ou de représentants d’institutions internationales sur place.

Emprise

A ce jour, la sécurité du pays relevait de la seule autorité des ministères de l’intérieur et de la défense. Désormais, ce serait donc un proche du chef des talibans qui aurait la main sur cet outil. Les deux ministres siégeraient à ce conseil, mais seraient, de fait, désavoués dans leurs prérogatives au profit du leader suprême, qui mettrait ainsi la main, institutionnellement, sur les forces du pays. En janvier, les diplomates étrangers à Kaboul échangeaient entre eux des informations affirmant que Sirajuddin Haqqani et le mollah Yaqoub allaient démissionner à cause de cette réforme. Il n’en fut rien.

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