En Afrique de l’Ouest, la résistance des barrages à l’épreuve des inondations

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Les pluies diluviennes, qui s’abattent depuis plusieurs semaines sur la bande sahélienne et une partie de l’Afrique centrale, mettent à rude épreuve des barrages vieillissants et souvent mal entretenus. Dans le nord-est du Nigeria, la rupture, jeudi 12 septembre, du barrage d’Alau, a submergé une bonne partie de la ville de Maiduguri, située à une vingtaine de kilomètres au sud. Plus de 400 000 personnes ont été déplacées, des milliers de maisons ainsi que des infrastructures essentielles de santé et d’éducation ont été détruites.

Après être resté sourd à de précédentes alertes, le gouvernement fédéral a annoncé cette semaine la création d’une commission chargée d’évaluer l’état de tous les barrages à travers le pays. Elle devra aussi faire le diagnostic complet d’Alau avant sa reconstruction.

Fin août, l’effondrement du barrage d’Arbaat au Soudan a touché 50 000 personnes et détruit – en partie ou en totalité – vingt villages, dans un contexte humanitaire déjà marqué par un an de guerre civile. La ville de Port-Soudan se trouve privée de son principal réservoir d’eau douce. Ces deux événements font écho au drame survenu il y a un an à Derna en Libye, dévastée par une crue éclair provoquée par la rupture de deux ouvrages sous le poids d’une quantité d’eau record apportée par la tempête Daniel. Quelque 6 000 personnes avaient péri et plusieurs milliers sont encore portées disparues, selon les Nations unies.

Les moyens humains et financiers font souvent défaut

Faut-il y voir les signaux précurseurs d’autres accidents à venir ? « En règle générale, les risques de rupture d’un barrage sont minimes car les normes de sécurité intègrent des probabilités de crues exceptionnelles mais, sur le continent africain, beaucoup d’ouvrages ont plus de cinquante ans. Ce sont de vieilles infrastructures calibrées sur un climat qui s’est transformé avec des épisodes de pluies abondantes et violentes plus fréquentes. Bien souvent, les hypothèses climatiques et hydrologiques sur lesquelles ils ont été conçus ne sont pas connues. De même que leurs plans – en particulier dans les régions en conflit pour des raisons de sécurité. Cela ajoute beaucoup d’incertitudes et réduit les possibilités d’anticiper des catastrophes. Dans de nombreux cas, les déversoirs dont sont équipés les barrages pour gérer les trop-pleins d’eau et éviter les débordements ne pourront pas faire face », observe Micha Werner, professeur à l’institut IHE de Delft (Pays-Bas) et spécialiste de la gestion des inondations.

Si les situations varient d’un pays à l’autre, le chercheur relève que les moyens humains et financiers font souvent défaut pour assurer le bon fonctionnement de ces vieilles infrastructures, dont le rôle est de réguler le débit des cours d’eau et d’amortir les risques d’inondation : « Les relevés de crues et d’étiage ne sont pas réalisés de manière suivie et nous disposons de moins de données locales qu’il y a quinze ans. Or, elles sont les seules à pouvoir nous fournir une bonne compréhension des risques. »

Dans les cas extrêmes, l’avenir est tout simplement laissé à l’inconnu comme au Soudan, où la surveillance du barrage de Jebel Aulia n’est plus assurée. Situé à 40 km de Khartoum, dans une zone aux mains des rebelles des Forces de soutien rapide (FSR), il a été déserté par ses employés.

Un besoin « urgent » de réhabilitation

Le sujet est aussi un enjeu pour la fourniture d’électricité sur le continent. En 2019, l’Association internationale de l’hydroélectricité a publié un guide pour l’adaptation au changement climatique. Parmi ses recommandations figure la prise en compte des scénarios climatiques de long terme réalisés par les scientifiques du climat. Si le guide ne s’adresse pas exclusivement à l’Afrique, les mesures qu’il propose ont été testées avant d’être entérinées sur plusieurs projets de barrages dont celui de Mpatamanga au Malawi.

La Banque africaine de développement (BAD) s’est également penchée sur la question dans le cadre de son programme de modernisation des centrales hydroélectriques du continent adopté en juin 2023. Ce projet cible 87 unités construites il y a plus de trente ans. Vingt et une d’entre elles, représentant plus de 10 % de la production hydroélectrique continentale, ont un besoin « urgent » de réhabilitation. « Les effets du changement climatique nécessitent des mesures d’adaptation supplémentaires », souligne l‘institution financière, en citant le renforcement de la protection contre les inondations, l’amélioration des systèmes d’alerte précoce ou encore l’amélioration structurelle des réservoirs.

Si l’aggravation des sécheresses apparaît bien comme un danger réel pour l’approvisionnement en énergie de certains pays – comme l’éprouvent depuis des mois plusieurs pays d’Afrique australe –, les épisodes de pluies extrêmes nourrissent ainsi tout autant d’inquiétude pour les infrastructures existantes. « Il est toujours possible de sécuriser davantage un ouvrage. Mais ce sont des travaux qui coûtent cher et ne sont pas toujours à la portée des pays », constate Yves Giraud, ancien directeur de EDF Hydro.

Cette réalité n’a pas échappé au Ghana. En 2022, le pays a été l’un des premiers à passer ses infrastructures au banc d’essai du changement climatique afin d’élaborer sa feuille de route pour l’adaptation. L’exercice a révélé que cinq de ses trente-quatre barrages étaient menacés, dont celui de Weija qui assure 80 % de l’approvisionnement en eau potable de la capitale Accra. Leur réhabilitation se chiffre en centaines de millions de dollars. Un coût qui illustre combien le dérèglement climatique pèse déjà sur le développement des pays les plus pauvres comme le Ghana, comme n’avait pas manqué de le souligner le ministre de l’environnement, Kwaku Afriyie en présentant son plan aux bailleurs internationaux.

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