En Algérie, un président et deux figurants pour une élection jouée d’avance

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En Algérie, seuls trois candidats sur les seize prétendants ont été retenus par l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) en vue de l’élection présidentielle prévue le 7 septembre. Le président sortant et grand favori Abdelmadjid Tebboune, Abdelali Hassani Cherif, candidat du Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamiste), et Youcef Aouchiche pour les Front des forces socialistes (FFS) ont vu, jeudi 25 juillet, leur dossier avalisé avant validation par le Conseil constitutionnel. Les treize candidats recalés ont 48 heures pour introduire un recours.

Souvent inconnus du grand public, ceux-ci ont pour la plupart été éliminés de la course présidentielle faute d’avoir recueilli le nombre de parrainages nécessaires prévu par la loi électorale. Parmi eux, deux femmes, Saida Neghza, dirigeante de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), et Zoubida Assoul, à la tête de l’Union pour le changement et le progrès (UCP), auraient pu offrir une maigre possibilité d’ouverture d’un débat dans une Algérie où la vie publique a disparu sous l’effet de la répression contre les militants du mouvement du Hirak et de la mise au pas des médias.

L’insurmontable collecte des signatures

Alors que la campagne s’ouvre officiellement le 15 août, Saida Neghza a dénoncé jeudi 25 juillet une « fraude » de l’ANIE et annoncé qu’elle déposerait un recours. Connue pour son franc-parler, elle avait osé, en septembre 2023, dans une lettre au président Tebboune, dénoncer l’existence, en dehors de tout cadre légal, d’un comité interministériel qui, selon elle, « persécutait » les chefs d’entreprise. Saïda Neghza avait ensuite quitté plusieurs mois le pays avant de revenir et de se porter candidate.

Plus politique, Zoubida Assoul est une ancienne magistrate, engagée dans la défense des militants du Hirak emprisonnés, souvent pour de simples posts sur les réseaux sociaux, qui considère que le « boycott n’arrange que les tenants du pouvoir ». Elle doit s’exprimer samedi dans une conférence de presse.

La collecte des signatures est souvent une épreuve insurmontable pour les candidats. Ceux-ci doivent recueillir les signatures de 600 élus ou de 50 000 électeurs également répartis sur 29 wilayas (départements). Naim Khemmar, militant de l’UCP a expliqué sur Facebook, sur la base de son expérience à la wilaya d’Oum Bouaghi, qu’une des principales difficultés dans la collecte de signatures est « la peur des citoyens des conséquences d’une signature pour un candidat opposé au pouvoir, d’autant plus que la signature est devenue numérisée ».

L’« indépendant » Abdelmadjid Tebboune

Si les recours sont infructueux, la présidentielle du 7 septembre opposera donc l’« indépendant » Abdelmadjid Tebboune, 78 ans, à Abdelali Hassani Cherif, 57 ans, et à Youcef Aouchiche, 41 ans. Nul ne croit en Algérie que ces deux derniers puissent créer la moindre surprise ou même atténuer l’abstention. Leur présence permet au régime d’exciper d’une forme sommaire de « représentation » des courants politiques présents dans le pays.

Le candidat pressenti du MSP aurait dû être son ancien président, Abderrazak Makri, très médiatique et souvent très critique du pouvoir, qui affichait ouvertement son ambition présidentielle. Mais les autorités ont envoyé suffisamment de signaux à ce parti islamiste pour signifier qu’une candidature de M. Makri – soumis à une interdiction de sortie de territoire pendant plusieurs semaines – serait indésirable.

Abderrezak Makri a jugé sur son blog qu’il est « honteux qu’il soit dit des islamistes qu’ils sont “patriotes” et “démocrates” car ils ont accepté les règles du jeu fixées par des régimes non démocratiques qui ont échoué depuis des décennies à réaliser la renaissance de leurs pays ».

Une Kabylie frondeuse et abstentionniste

L’utilité de la « présence » d’un candidat FFS est aussi importante pour le régime alors que ce parti, ancré dans une Kabylie frondeuse et abstentionniste, boycotte traditionnellement les élections présidentielles. En 1999, Hocine Aït Ahmed, le fondateur du parti, fut candidat mais se retira à la veille du scrutin. Comme d’autres candidats, il dénonça alors une élection « fraudée » massivement au profit d’Abdelaziz Bouteflika.

Lors de la présidentielle de décembre 2019, la participation, seul réel enjeu des scrutins en Algérie, n’avait pas atteint 40 % au niveau national. En Kabylie, elle fut proche de zéro : 0,18 % à Béjaïa et 0,04 % à Tizi-Ouzou. Très circonspect à l’égard du Hirak, même si ses militants s’y sont fortement engagés, le FFS développe depuis plusieurs années un discours plus nationaliste que démocratique.

Ouvertement hostile au Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), officiellement classé comme organisation « terroriste » par les autorités, le FFS a décidé, selon Youcef Aouchiche, de participer à l’élection pour répondre « aux exigences de préservation de l’Etat nation et de renforcement des institutions de la République » et « barrer la route à ceux qui cherchent à nuire au pays ». Des éléments de langage proches de ceux d’Alger et dont l’objectif est d’éviter un nouveau boycott massif des urnes. Même si le FFS nie avoir conclu le moindre accord avec le pouvoir, cette participation donne au régime l’impression d’être soulagé de son « problème kabyle ».

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