En Guinée, l’ancien chef de la junte reconnu coupable de crimes contre l’humanité au terme d’un procès hors norme

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Près de quinze années après les faits et à l’issue de vingt-deux mois d’audience, la justice guinéenne a rendu son verdict, mercredi 31 juillet, dans le procès du massacre du 28 septembre 2009, l’un des jours les plus terribles de l’histoire du pays.

Moussa Dadis Camara, alors chef de la junte qui avait pris le pouvoir un an plus tôt, et sept anciens hauts responsables ont été reconnus coupables de « crimes contre l’humanité ». Le capitaine, qui encourait la perpétuité, a été condamné à vingt ans de prison « sur la base de [sa] responsabilité [de] supérieur hiérarchique ». Il entend faire appel du verdict, a immédiatement annoncé son avocat, Pepe Antoine Lama.

« Nous saluons un verdict qui est le résultat d’un procès équitable. Il était crucial que la justice soit rendue dans l’esprit du droit et non de la vengeance. Certains pourront regretter que les peines ne soient pas plus lourdes mais le tribunal a fait dans la mesure », se félicite Martin Pradel, avocat des parties civiles et de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH)

Tout au long des audiences, les accusés ont nié leur responsabilité dans le massacre commis il y a presque quinze ans dans la capitale guinéenne. Le 28 septembre 2009, le stade de Conakry, où se tenait un meeting de l’opposition pour protester contre une éventuelle candidature de Moussa Dadis Camara à la présidentielle, est devenu le théâtre d’un déchaînement de violence. Alors que les leaders de l’opposition se relayaient au micro pour dire leur opposition à une éventuelle candidature du chef de la junte, des soldats cagoulés ont fait irruption dans l’enceinte.

Verdict historique

Au moins 156 personnes ont été tuées par balle, à coups de machette ou de couteau par des éléments des forces de défense et de sécurité guinéennes déchaînées ; 1 400 personnes ont été blessées. Plus de cent femmes ont aussi subi des viols et des mutilations sexuelles, selon une commission d’enquête internationale mandatée par les Nations unies. Certaines ont été séquestrées et contraintes à devenir des esclaves sexuelles durant les jours suivants dans des camps militaires ou des villas de la capitale. Les militaires se sont ensuite lancés dans une opération de dissimulation, inhumant les corps dans des fosses communes. Le pire de ce dont étaient capables ces « bérets rouges ».

Parmi les coaccusés du capitaine Camara, revenu d’exil au Burkina Faso pour répondre aux juges par « obligation morale », a-t-il déclaré, figurait Moussa Tiégbora Camara, son ancien secrétaire d’Etat chargé des services spéciaux, de la lutte antidrogue et du grand banditisme, condamné également à vingt ans de prison. Son neveu et ancien membre de sa garde rapprochée, Marcel Guilavogui, a écopé de dix-huit ans de prison.

Le tribunal a été plus clément avec l’ancien aide de camp de Moussa Dadis Camara et chef de la garde présidentielle, Aboubacar « Toumba » Diakité. En 2009, c’est lui qui avait tiré une balle dans la tête de son chef, à laquelle Moussa Dadis Camara avait miraculeusement survécu. Pour s’être « distingué par sa bonne foi » durant le procès, il a écopé de dix ans de prison. La peine la plus lourde, la perpétuité, a été décidée contre Claude Pivi, l’ancien chef de l’antidrogue qui manquait à l’appel lors du verdict : en novembre, il est parvenu à s’évader de la maison centrale de Conakry.

Ce verdict a été immédiatement qualifié d’historique par les organisations des droits de l’homme. Mais certaines des victimes n’en sont pas totalement satisfaites, comme Fatoumata Barry, qui a raconté les sévices infligés par des militaires lors d’un viol collectif. Celle qui affirme « avoir tout perdu » depuis ce lundi noir se dit « soulagée mais aussi déçue ». « Le juge laisse aux accusés la charge de nous indemniser. Or ils sont en prison ! C’était à l’Etat de prendre en charge les réparations. Ça veut dire qu’il faut encore se battre », regrette-t-elle. Le tribunal a certes ordonné des réparations pour les victimes, allant de 200 millions de francs guinéens (plus de 20 000 euros) à 1,5 milliard de francs guinéens (plus de 160 000 euros). Mais il a rejeté la demande des parties civiles de désigner l’Etat civilement responsable.

La patience et la détermination des victimes

Ce procès, inédit par la gravité des faits et la qualité des accusés, retransmis en direct à la télévision nationale, était très attendu par les victimes. Après la clôture de l’instruction, en 2017, il leur a fallu attendre la chute du président Alpha Condé, qui ne voulait pas s’aliéner une partie de l’armée, et l’arrivée à la tête de l’Etat d’un autre putschiste, Mamadi Doumbouya, en 2021, pour que l’audience s’ouvre.

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La Cour pénale internationale, qui avait ouvert un examen préliminaire, en 2009, l’a refermé depuis, estimant que la Guinée était capable de juger ces crimes elle-même.

En organisant ce procès et en parvenant à ce qu’il se tienne jusqu’au bout, le général Doumbouya, lustre son image à l’international. Ces derniers mois, il est parvenu à faire lever les sanctions qui pesaient contre la Guinée, malgré son accession brutale au pouvoir et la répression qui prévaut contre l’opposition. « Nous espérons que le verdict aura valeur d’exemple pour les autorités. Il envoie le message que tout dirigeant peut être poursuivi si des crimes sont commis sous son commandement », veut croire Martin Pradel.

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