Kazuyo et Jean L. vivent au milieu des livres, de photos de famille, de tableaux qui encombrent leur deux-pièces à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Terrassé par le cancer, Jean L. est alité depuis plusieurs mois. Le 31 janvier, dans la nuit, le vieil homme est pris d’étouffements. Appelé sur place, le SAMU apaise les symptômes. Mais son état est suffisamment grave pour justifier une hospitalisation. « Si possible, j’aimerais bien le garder ici, à la maison », demande alors Kazuyo L., son épouse, à l’équipe du 15. Les urgentistes contactent un médecin d’astreinte à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Le praticien leur répond qu’une équipe passera au petit matin.
Jean L. n’a pas été transporté aux urgences. Le vœu de Kazuyo L. a été exaucé. Il est mort la nuit du 3 février, chez lui. « Il s’est éteint comme une chandelle », confie Danielle P., la fille de Jean L., venue veiller son père. « Mon père était un solitaire. Il aurait très mal supporté l’hôpital. Mais si ses souffrances n’avaient pas été apaisées à la maison, nous n’aurions pas eu d’autre choix que d’y aller. »
L’histoire paraît simple. Elle ne l’aurait pas été sans un dispositif unique en France : un service d’urgence baptisé Pallidom, dévolu aux soins palliatifs, une médecine qui soulage la douleur physique et la souffrance psychique de malades, en fin de vie le plus souvent. Créé en septembre 2021, Pallidom se déploie à Paris et dans les Hauts-de-Seine. SAMU, Ehpad, médecins généralistes, tous peuvent faire appel à Pallidom pour intervenir en cas de crise aiguë. Si le malade exprime le souhait de rester chez lui – s’il est établi qu’une hospitalisation ne lui serait d’aucun bénéfice –, ces « pompiers » des soins palliatifs prennent le relais et assurent traitements et visites.
« C’est super qu’il soit chez lui »
Le 2 février, Clément Leclaire, médecin responsable de Pallidom, et Lucile Koudou, infirmière, ont sonné chez Jean et Kazuyo L. avec un sac de 12 kg qui contenait l’arsenal thérapeutique et le matériel pour parer à toutes les situations. Comme à chaque visite.
Jean L. a les yeux clos et ne réagit pas aux quelques mots du médecin qui l’examine. Avec l’infirmière, le docteur Leclaire renouvelle le dosage des antibiotiques et de la morphine dans la perfusion. Puis il s’adresse à Kazuyo L. et à Danielle P. « Il va s’éteindre tranquillement. On voit bien qu’il est apaisé, serein, insiste-t-il. Son visage ne montre aucune trace de douleur. »
« Ce n’est pas facile ! », laisse échapper Kazuyo L. « Je sais, répond le médecin. Mais c’est super qu’il soit chez lui. Il a davantage besoin de vous que de nous maintenant. » Le binôme repart. « Si vous avez la moindre question, même la nuit, n’hésitez pas à nous appeler », glisse le docteur Leclaire. « C’est rassurant ! On se sent vraiment accompagnées », soupire Danielle P. sur le pas de la porte. La visite a duré plus d’une heure.
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