En Iran, cinq mois de révolte filmés par le peuple

L’étincelle, on la connaît. Une morte de trop, et la République islamique tremble sur ses bases face à une révolte populaire qui menace, soudain, de se transformer en révolution et enflamme les quatre coins du pays, jusque dans les sous-sols de l’université à Téhéran. Dans ces semaines puis ces mois d’effervescence, des vidéos assurent un témoignage direct. Si ces documents ont tant de sens pour ceux qui, courageusement, en assurent la diffusion, ils sont parfois d’une relative opacité dès lors qu’ils sont sortis de leur contexte.

A l’extérieur du pays, deux experts iraniens, Farzad Seifikaran et Payam Elhami, ont entrepris de rassembler les pièces éparses de cette mosaïque de témoignages. Le premier est journaliste d’investigation, et le second spécialiste de data. Ensemble, ils travaillent d’arrache-pied à parcourir Internet, les réseaux sociaux, à la recherche de tous les documents vidéo en circulation. Ils les stockent, les passent au crible, en déterminent l’origine, croisent leurs informations avec d’autres images pour les géolocaliser. Ce ne sont pas des chefs-d’œuvre de mise en scène. Leur qualité est celle de l’immédiateté et du danger. Leur force réside dans la nécessité impérieuse qu’ont eue leurs auteurs anonymes de donner à voir, à transmettre. Il fallait un travail collectif pour saisir le sens, la portée de ce grand ensemble.

Dans le vaste tableau qui se constitue ainsi, il n’est pas question seulement de violence et de répression. Les images sont aussi celles de fêtes, de moments de libération collective. Des hommes et des femmes dansent dans les rues autour d’un brasier. Lorsque des manifestants entament la chanson Bella ciao à un enterrement, comment ne pas être saisi ? Comment ne pas comprendre le message, sa nature universelle, ses références qui sortent de l’Iran et racontent le grand chant de la liberté qui traverse les époques et les continents ?

Partager une part d’histoire

Le Monde a décidé de prendre sa part à un projet dont l’objectif est de maintenir ouverte une fenêtre sur un mouvement en danger d’oblitération. Nous publions les vidéos avec leurs éléments de vérification et de mise en contexte, pour qu’un large public puisse en saisir les élans, les fulgurances et les moments révélateurs. Ce travail ne prétend pas rendre compte de façon exhaustive de la situation. Comment le pourrait-il ? Des médias libres qui travailleraient en Iran sereinement, ou iraient dans le pays pour y exercer sans entraves rendraient caduque cette plate-forme dans laquelle, par définition, ne figure pas une pluralité de points de vue. Ce document est destiné à partager une part d’histoire qui est aussi une forme de résistance à la crainte de voir le mouvement en cours discrédité par les autorités.

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