
Les chiffres interpellent : sur une soixantaine d’influenceurs ciblés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) depuis 2021, 60 % ne respectaient pas la législation en vigueur en matière de publicité, selon un communiqué publié par l’autorité administrative le 23 janvier. Une manière, pour la DGCCRF, de communiquer sur la priorité donnée à la régulation des pratiques des acteurs de l’économie numérique, qui figure au titre de son programme d’enquête 2022. Et sur le sujet des dérives des influenceurs, bien souvent dans l’actualité ces derniers mois, et qui fait l’objet d’une proposition de loi du député (PS, Calvados) Arthur Delaporte qui devait être examinée jeudi 9 février. Un débat repoussé par manque de temps, mais les propositions de l’élu doivent être reprises fin mars dans un texte commun avec Stéphane Vojetta (Renaissance, Français de l’étranger).
Au-delà de cette communication opportune, l’institution nuance : les chiffres sont issus d’un panel d’influenceurs déjà dans les radars des autorités. Pour autant, ces 60 cas ne sont sans doute que la partie émergée d’un iceberg d’abus de la part de grands et petits influenceurs. Des youtubeurs aux streamers de Twitch, égéries d’Instagram ou tiktokeurs, on compte en France jusqu’à 150 000 « créateurs de contenus », selon les estimations de l’autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dont une part certaine cherche à faire profession de sa visibilité sur les réseaux sociaux au service de marques friandes de ce nouveau support de promotion, pour l’instant très peu encadré.
Pratiques controversées voire illégales
Compléments alimentaires, programmes « minceur », cosmétiques, paris en ligne ou cryptomonnaies, la DGCCRF note, pour chaque secteur recourant au marketing d’influence, les mêmes travers, qui proviennent soit du créateur de contenu, qui ne signale pas toujours le caractère publicitaire de son message, soit des produits dont il fait la promotion, dont la qualité peut être douteuse. Quand il ne s’agit pas de pratiques controversées, comme des opérations de chirurgie esthétique (injections…) qui peuvent être dangereuses lorsqu’elles ne sont pas pratiquées par des professionnels compétents ; voire illégales, comme les arnaques au compte personnel formation, qui font florès depuis quelques années.
« Ce sont les moyens employés qui changent, le reste, ce sont souvent des pratiques assez anciennes », note Roland Girerd, du syndicat Solidaires-DGCCRF. Au-delà des véritables arnaques ou de la promotion de produits dangereux, qui sont du ressort de la police et de la justice, la DGCCRF se concentre sur la régulation des pratiques plus bénignes, comme le fait pour un influenceur de ne pas signaler que son contenu est en réalité sponsorisé par une marque. « On a établi une doctrine, en lien avec l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité [ARPP] : l’influenceur doit signaler, en français, qu’il fait une publicité, et utiliser des mots clairs, comme “partenariat commercial” », explique le magistrat Guillaume Daieff, qui a assisté, en tant que sous-directeur de la DGCCRF de 2020 à 2022, à la montée du phénomène.
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