Depuis la prison militaire de Ndolo, à Kinshasa, le jugement a été prononcé en petit comité, jeudi 8 août, mais il se veut « une leçon pour tous ceux qui décident de trahir la République », a prévenu le ministre congolais de la justice, Constant Mutamba, présent à toutes les audiences depuis l’ouverture de ce procès, fin juillet, où étaient jugés les plus hauts responsables du Mouvement du 23-Mars (M23) et de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), des rébellions actives dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
Les 26 accusés, dont Corneille Nangaa, l’ancien président de la commission électorale et leader de l’AFC, Bertrand Bisimwa, le président du M23, Sultani Makenga, son chef militaire, et les porte-parole Willy Ngoma et Lawrence Kanyuka, ont été condamnés à mort pour « crime de guerre », « participation à un mouvement insurrectionnel » et « trahison ». Ils ont été « tenus pénalement responsables en tant que chefs hiérarchiques », a expliqué la cour.
Le tribunal les a notamment jugés coupables de l’attaque d’un camp de réfugiés proche de Goma, le chef-lieu du Nord-Kivu, début mai. Des frappes, menées depuis des collines contrôlées par le M23 vers les positions des Forces armées de la RDC (FARDC) proches de ce camp, avaient fait une trentaine de victimes civiles, selon les autorités. Seuls cinq prévenus étaient présents, les autres étaient jugés par contumace. Le ministre de la justice a promis de lancer des mandats d’arrêts internationaux et de « veiller à l’application de la peine de mort ».
En mars, Félix Tshisekedi a décidé de lever le moratoire sur la peine capitale mis en place sous son prédécesseur, Joseph Kabila, en 2003. Le rétablissement des exécutions vise à « débarrasser l’armée […] des traîtres […] et d’endiguer la recrudescence d’actes de terrorisme et de banditisme urbain entraînant mort d’homme », avait précisé la ministre de la justice de l’époque. Depuis, une cinquantaine de militaires ont été condamnés à mort, notamment pour « fuite devant l’ennemi » lors de combats contre le M23, à l’issue de procès expéditifs, sans pour l’instant que la sentence ne soit mise à exécution.
Joseph Kabila accusé de « préparer une insurrection »
« Ces peines n’engagent et ne concernent que ceux qui les ont prononcées », a réagi Corneille Nangaa sur le réseau social X. De son côté, la défense des cinq prévenus présents a dénoncé une « justice expéditive », soupçonnant un jugement « préparé à l’avance », comme le regrette Clément Muza Kayembe, l’un des avocats de la défense.
Ce jugement a en tout cas une forte dimension politique, alors que Corneille Nangaa fut considéré comme un conseiller officieux de Félix Tshisekedi juste après son arrivée au pouvoir, début 2019, avant que leurs relations ne se dégradent et que l’ancien président de la commission électorale ne prenne le chemin de l’exil puis de la rébellion en créant l’AFC en décembre 2023.
Depuis, son mouvement politico-militaire allié au M23 – lui-même directement soutenu par le Rwanda – a été rejoint par plusieurs opposants, notamment d’anciens cadres du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), la formation politique de Joseph Kabila (au pouvoir de 2001 à 2019), que Félix Tshisekedi a accusé, mardi 6 août, de « préparer une insurrection » dans une interview accordée à la radio Top Congo. Cette déclaration est survenue deux jours après l’échec d’un nouveau cessez-le-feu signé par la RDC et le Rwanda sous l’égide de l’Angola, médiateur international dans la crise.
Selon Bob Kabamba, professeur à l’université de Liège, l’un des enjeux de ce procès était d’« adresser un message de dissuasion aux militaires » congolais, alors que « ces dernières semaines, de plus en plus de soldats ont déserté les rangs de l’armée congolaise pour rejoindre les troupes de Corneille Nangaa ». Les civils, eux, continuent de payer le prix fort d’une guerre qui s’enlise, en particulier dans les camps de déplacés, où les violences, notamment sexuelles, se perpétuent, selon une enquête de Médecins sans frontières (MSF) publiée début août.