En Tunisie, la répression s’accentue et la peur reprend ses droits

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La répression a redoublé d’intensité ces dernières semaines en Tunisie, ciblant les migrants subsahariens, les ONG, les journalistes, les fonctionnaires ou encore les avocats. Ce tour de vis sécuritaire a commencé fin avril avec des opérations de démantèlement de campements provisoires de migrants subsahariens près de Sfax, la deuxième ville du pays. Le 3 mai, les mesures de sécurité se sont étendues à Tunis, où un camp de migrants dressé face au siège de l’Organisation internationale pour les migrations a été évacué de force.

Le président Kaïs Saïed a justifié ces opérations lors d’un conseil de sécurité, lundi 6 mai, précisant que « 400 personnes » – hommes, femmes et enfants – avaient été déplacées vers la « frontière orientale », qui jouxte la Libye. Dans la même allocution, il a critiqué les ONG de soutien aux migrants, les accusant de recevoir d’« énormes sommes d’argent de l’étranger » et qualifiant leurs dirigeants de « traîtres » et d’« agents ».

Après ces mots, la sanction a été quasi immédiate. Saadia Mosbah, militante antiraciste et présidente de l’association Mnemty, qui lutte contre les discriminations raciales en Tunisie, a été arrêtée le jour même et placée en garde à vue en vertu de la loi sur la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent. Par ailleurs, deux responsables du Conseil tunisien pour les réfugiés ont été mis en examen et placés en détention préventive pour « association de malfaiteurs dans le but de faciliter l’accès de personnes au territoire tunisien ».

Ils sont accusés d’avoir publié un appel d’offres pour la location d’un hôtel destiné à accueillir des réfugiés ou demandeurs d’asile, dans le cadre de leur mission avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Depuis, au moins cinq responsables d’organisations aidant les migrants ont été arrêtés et plus d’une dizaine ont été auditionnés.

« Rumeurs mensongères »

Les médias sont également dans le collimateur des autorités. Samedi 11 mai, l’avocate et chroniqueuse à la télévision Sonia Dahmani a été brutalement interpellée au siège de l’ordre des avocats à Tunis, après avoir tenu des propos sarcastiques sur les conditions de vie en Tunisie lors d’une émission. « De quel pays extraordinaire parle-t-on ? Celui que la moitié des jeunes veulent quitter ? », avait-elle rétorqué à un autre chroniqueur qui affirmait que les migrants subsahariens cherchaient à « coloniser » la Tunisie, théorie défendue depuis plus d’un an par le président tunisien. Mme Dahmani a été mise en examen selon le décret-loi 54-2022, un texte instauré par Kaïs Saïed en septembre 2022, destiné officiellement à lutter contre la propagation de « fausses informations et rumeurs mensongères ».

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