En Tunisie, le président Kaïs Saïed enterre un peu plus les acquis de la transition démocratique

Date:

Acte après acte, le président tunisien, Kaïs Saïed, piétine tous les acquis de la transition démocratique, qui a suivi la révolution de 2011. Le placement en détention, jeudi 1er août, de Sihem Bensedrine, l’une des figures de la lutte pour les droits humains dans le pays, en est le dernier symbole.

A 73 ans, Sihem Bensedrine est rattrapée par la justice pour sa fonction de présidente de l’Instance Vérité & Dignité (IVD), qu’elle a occupée de 2014 à 2018. Cet organisme indépendant avait été créé dans le cadre du processus de justice transitionnelle postrévolution de 2011, pour faire la lumière sur les violations des droits humains sous les régimes d’Habib Bourguiba et de Zine El-Abidine Ben Ali. L’ancienne patronne de l’instance est accusée de « s’être procuré des avantages injustifiés », d’avoir « causé des préjudices à l’Etat » et de « falsification » pour des modifications apportées au rapport final de l’IVD, avant la publication officielle de celui-ci. Elle risque la prison à vie.

Ancienne journaliste, figure du mouvement féministe tunisien de la fin des années 1970 et militante des droits humains, Sihem Bensedrine s’était opposée au régime de M. Ben Ali, qui l’a emprisonnée pendant plusieurs semaines, au début des années 2000. Elue à la tête de l’IVD en 2014, elle a essuyé de nombreuses critiques durant son mandat, tant de la part des responsables politiques hostiles au processus de justice transitionnelle que pour la gestion de son administration.

Enquête préliminaire ouverte

L’IVD avait pour mission de répertorier les violations des droits humains commises par des représentants de l’Etat entre 1955 et 2013, une période couvrant les présidences d’Habib Bourguiba (1957-1987) et de son successeur, Zine El-Abidine Ben Ali (1987-2011), ainsi que les troubles postrévolutionnaires. Pendant quatre années d’un mandat mouvementé, l’instance a reçu plus de soixante mille plaintes et auditionné près de cinquante mille victimes présumées. Des auditions publiques retransmises en direct à la télévision ont été organisées et environ deux cents affaires de violation grave des droits humains ont été transmises à la justice, malgré l’absence de collaboration de plusieurs administrations, en particulier celle du ministère de l’intérieur.

Le processus de justice transitionnelle avait aussi été très affaibli par le président de l’époque, Béji Caïd Essebsi, et son allié au pouvoir, le parti islamo-conservateur Ennahda, notamment avec l’adoption de la loi relative à la « réconciliation administrative » qui visait à réintégrer dans la fonction publique des responsables impliqués dans des actes de corruption, en conflit avec les prérogatives de l’IVD.

Il vous reste 57.98% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Share post:

Subscribe

spot_imgspot_img

Popular

More like this
Related