
La police tunisienne a procédé, entre samedi 11 et lundi 13 février, à une vague d’arrestations de personnalités proches de l’opposition d’une ampleur sans précédent depuis le régime d’exception imposé en juillet 2021 par le chef de l’Etat, Kaïs Saïed, relançant les inquiétudes sur une dérive autoritaire à l’œuvre dans un contexte social et économique de plus en plus dégradé.
Mardi 14 février, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a ainsi exprimé sa « préoccupation face à l’aggravation de la répression contre ceux qui sont perçus comme des opposants politiques et [des membres] de la société civile, notamment par l’intermédiaire de mesures prises par les autorités, qui continuent de saper l’indépendance du pouvoir judiciaire », a indiqué à Genève son porte-parole, Jeremy Laurence.
C’est la première fois que l’agence onusienne dénonce en des termes aussi vifs la tournure que prend le régime en Tunisie, pays berceau des « printemps arabes » en 2011 et chantier d’une expérience démocratique unique dans la région. Depuis son coup de force de 2021, à la faveur duquel il s’est arrogé les pleins pouvoirs, M. Saïed n’a cessé de détricoter les acquis de la décennie post-révolution.
Des profils très disparates
Samedi, les forces de sécurité ont appréhendé à Tunis et dans sa banlieue Khayam Turki, un militant politique impliqué ces derniers mois dans des tentatives de fédérer une opposition éclatée, Kamel Eltaïef, homme d’affaires et lobbyiste aux entrées multiples dans les réseaux politiques et économiques tunisiens, et Abdelhamid Jelassi, un ancien dirigeant du parti islamo-conservateur Ennahda.
Dimanche, Béchir Akremi, ancien procureur de la République (2016-2020) lié à Ennahda et très controversé pour sa gestion de dossiers relatifs au terrorisme, a été à son tour interpellé. Puis, lundi, la police a placé en garde à vue Noureddine Bhiri, ancien ministre de la justice (2011-2013) et ex-député d’Ennahda – déjà été arrêté puis relâché fin 2021-début 2022 –, Noureddine Boutar, le directeur général de la radio privée Mosaïque FM, ainsi que l’avocat et homme politique Lazhar Akremi.
La nature des chefs d’inculpation retenus contre ces différentes personnalités était toujours inconnue mardi en milieu de journée. Des médias tunisiens ou les réseaux sociaux, citant des sources judiciaires anonymes, ont rapporté que les poursuites ont été déclenchées pour « atteinte à la sûreté de l’Etat », notamment dans le cas de M. Turki. Les chefs d’inculpation seront toutefois énoncés dans un second temps, après l’audition de M. Turki. « Le dossier est vide », affirme une source proche de ce dernier.
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