En Ukraine, la tragédie des habitants du village de Iahidne, piégés par l’offensive ratée des Russes sur Kiev

Tout est si paisible, à Iahidne. Ce village bordé par la forêt est l’un des plus petits de la région de Tchernihiv, en Ukraine. Il ne compte que 300 âmes, cinq rues, un centre social, une école et une garderie. Alors, quand la Russie lance son offensive à grande échelle, le 24 février 2022, les habitants sont convaincus qu’il sera épargné.

Les Ukrainiens des alentours aussi le croient. Antonina Nezhyborets, employée bancaire de 29 ans, fait partie de ceux qui ont fui Tchernihiv, bombardée, pour trouver refuge à Iahidne avec son mari et son fils. « C’est là où j’ai grandi et où vit ma mère. J’ai toujours été heureuse d’y retourner. On pensait que c’était un endroit sûr et que les troupes resteraient dans les villes », explique la jeune femme aux longs cheveux bruns.

Les premiers jours de l’invasion, d’ailleurs, rien ne vient perturber la tranquillité des lieux. Si les fenêtres tremblent, c’est uniquement à cause des explosions à Tchernihiv, à 18 kilomètres de là. Antonina comprend qu’il se passe quelque chose quand la lumière s’éteint brusquement, le 3 mars.

L’histoire de ce village reste largement méconnue à l’étranger. Pour les Ukrainiens de la région, pourtant, c’est « leur » Boutcha. Un an après, il faut voir le regard épouvanté de ses habitants quand ils racontent ce qu’ils ont vécu, leurs mains qui se mettent à trembler, pour prendre la mesure de ce qu’ils ont subi. Avides de parler, ils n’ont qu’une crainte : qu’on oublie la tragédie de Iahidne.

Tranchées construites par les Russes à ahidne (Ukraine), le 2 février 2023.
Oleh Turash (54 ans) et sa mère Valentyna (75 ans) ont passé l’occupation russe dans le sous-sol de l’école à Iahidne (Ukraine), le 2 février 2023. Oleh et d’autres hommes se sont rendus au cimetière pour enterrer les morts.

Leur calvaire commence lorsqu’une colonne de chars et de blindés russes arrive par la forêt et entre dans le bourg, ce 3 mars. Les soldats sont furieux. Cela fait déjà plus d’une semaine que la Russie a envahi l’Ukraine, et ils n’ont toujours pas réussi à prendre Tchernihiv, verrou vers Kiev, à 150 kilomètres. Les troupes ukrainiennes leur ont déjà infligé de lourdes pertes. La bataille s’annonce plus difficile que prévu.

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Dans le village, des messages affolés circulent sur le groupe de messagerie commun. « Il y a des chars russes devant chez moi ! » Les soldats débarquent leur matériel dans les jardins, défoncent les portes des maisons, ordonnent à leurs occupants de descendre dans les caves, confisquent les téléphones et prennent possession des lieux.

Toilettes, eau, nourriture : tout manque

Iahidne ne devait être qu’une étape vers la capitale. Il devient leur camp de retranchement, et les habitants, leur bouclier humain. Dès le 4 mars, ceux-ci sont sommés, sous la contrainte des kalachnikovs, de descendre dans le sous-sol de l’école, un grand bâtiment en briques rouges et blanches. Ils s’entassent dans les pièces humides et glacées, dans le noir total. A l’extérieur, les bombardements commencent.

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