
La première fois que j’ai été recrutée en tant qu’assistante parlementaire d’un député de gauche, j’avais 26 ans. Dès le premier jour, j’ai compris que ça serait lunaire : on est allés au café Le Bourbon, situé en face de l’Assemblée nationale. C’est là que journalistes et politiques se retrouvent pour déjeuner et récolter des infos. L’expresso est à 3,90 euros. J’ai mieux compris pourquoi certains politiques sont aussi déconnectés et ne savent pas donner le prix d’un pain au chocolat à la télé.
En entrant ensuite à l’intérieur de l’Assemblée, j’ai tout de suite été impressionnée par l’immensité de ce haut lieu de pouvoir, tant chargé d’histoire. C’est beau, c’est propre et il y a des gens en costard-cravate qui courent partout. En réalité, au début je suffoquais tellement j’avais de mal à m’y retrouver dans les couloirs de ce labyrinthe. Fille d’immigrés d’Afrique subsaharienne, avec un parent décédé et l’autre infirmier, mon milieu social ne me destinait pas à mettre un pied dans cet endroit.
En ce premier jour, j’ai eu un sentiment double. J’étais fière du travail accompli pour en arriver là – j’ai immédiatement envoyé une photo à ma mère, et elle était ravie. Et en même temps, je me demandais ce que je faisais là, car ce n’était pas mon monde. Je me sentais comme dans un livre de Kafka.
Jamais de pause
Dans les coulisses de l’institution, il y a énormément de travailleurs souvent mal payés, en intérim. Des petites mains qui viennent travailler à 4 heures du matin dans le silence, pour que tout brille à l’arrivée des élus. On est constamment en train de bosser sur des questions d’exclusion sociale et de précarité… dans un bâtiment architectural plein de dorures au plafond. A côté des femmes de ménage, toutes racisées et effacées, j’ai également croisé à la cafétéria des têtes que tout le monde connaît, de Marine Le Pen à Claire Chazal.
« Le contenu des missions dépend énormément du lien qu’on entretient avec l’élu, et ce n’est jamais pareil »
Au début, je ne connaissais pas grand-chose à ce métier. Le contenu des missions dépend énormément du lien qu’on entretient avec l’élu, et ce n’est jamais pareil. On accompagne les députés dans leurs déplacements, on organise leur vie en se demandant où on va et pour quelle finalité. On fait aussi de la communication en rendant compte du travail du cabinet. Mais il n’y a pas de journée type, surtout quand on est dans l’opposition, car le gouvernement propose ses projets de loi inscrits au calendrier et, lors de niches parlementaires, l’opposition peut présenter les siens. La plupart du temps, les semaines gouvernementales sont plus nombreuses que les nôtres, donc on passe plus de temps à réagir aux projets qu’on critique. On prépare des amendements, on pose des questions aux ministres… On court partout finalement !
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