« J’ai failli tout balancer à mon mari, mais je suis allée voir un psy »

Premier jour

Je suis très heureuse. J’ai une petite fille et un mari. Tout est allé très vite : la maternité, le confinement, notre bulle familiale dans l’appartement qu’on a acheté. Avant, j’avais l’impression d’être dans la salle d’attente de ma vie. Les femmes sont conditionnées à se dire qu’elles mènent une demi-vie tant qu’elles n’ont pas rencontré le père de leurs enfants. Pendant ma vingtaine, la quête de ce conjoint prenait de la place, j’aurais aimé être plus légère, même si j’ai quand même bien profité, mais il y avait toujours cette pression à ne pas perdre son temps pour pouvoir enfin, grâce à un couple, entrer dans la vie, la vraie.

Avec mon mari, ça a tout de suite été évident que c’était lui. Je l’ai rencontré quand je suis arrivée dans mon agence de communication, il était si drôle, fin et doux. Une fois cet édifice construit, un vertige m’a saisie : j’étais certes sortie des affres de l’errance célibataire, mais quoi, ma vie allait être comme ça jusqu’au cimetière ? Où sont les frissons, les risques, les choses qui frottent et dérangent ?

Avec la naissance de ma fille, j’ai découvert un nouveau pouvoir. Je me sens bien dans ma peau, plus désirable, moins empêtrée dans mes petits complexes de merde. Et l’amour que m’offre mon mari me donne de l’assise. J’ai 36 ans, je suis au top de moi-même, j’ai envie de profiter de cet état de grâce pour explorer mon désir.

C’est le printemps, j’entre dans une librairie pour acheter un livre musical à ma fille, justement. Le patron me parle de sa boutique dont il se sert pour faire la promotion de nouveaux auteurs. Au fond, il y a un bar, et accoudée au zinc, une silhouette boit un café. Barbe de trois jours, casquette retournée, Simon est un jeune écrivain que le libraire soutient. Je le salue, il est plutôt froid. « Tu écris ? », lui ai-je demandé, un peu gourde. Il marmonne que oui et me répond pas très avenant qu’il a la gueule de bois. On discute, je lui explique que moi aussi j’écris des nouvelles, que je m’emmerde dans mon boulot, et que j’admire les gens qui arrivent à vivre de leur plume.

Je finis par m’éloigner : j’ai l’impression qu’il me parle plus par politesse que par envie. Le soir même, je le suis sur Instagram, il m’intrigue. Je veux voir si je peux l’avoir. Quand son livre paraît fin juin, je le commande sur Amazon. Je commence à le lire, j’aime le ton, l’humour, ce regard sur les petits riens du quotidien, ce monde de losers attachants. Simon appartient à la catégorie d’hommes que j’ai cherchés quand j’étais plus jeune. Avec mes copines, on les appelait les « petits malins », ces mecs arrogants et détachés qu’on aimait tant à 30 ans mais qui nous faisaient invariablement souffrir.

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